Acte XXII

941 97 9
                                    

En faisant le moins de bruit possible, l'homme aux cheveux blancs actionna l'interrupteur du petit appartement, dont la seule lumière ambiante était autrefois celle de la lune, passant à travers la baie vitrée donnant sur un balcon, muni d'une simple table et d'une chaise en plastique et en bois.

Il referma la porte d'un mouvement de la jambe, ses mains soutenant toujours le poids de sa collègue endormie, dont le corps alcoolisé reposait sur son dos depuis le moment où ils avaient quitté la petite fête improvisée. Et arrosée.

Il sentait les bras de la jeune fille autour de son cou, dont la prise s'était considérablement relâchée depuis qu'elle s'était assoupie quelques instants plus tôt, alors qu'ils étaient en route pour son appartement.

Il trouva facilement la chambre de la brune endormie, témoignant de sa récente "visite", qui s'était malheureusement soldée par les pleurs de Junko. C'était la première fois qu'il la voyait dans cet état ; il en était presque venu à se demander si la jeune femme craquait de temps en temps, tellement elle était rigide et inexpressive la plupart du temps.

Les seuls instants où elle baissait la garde, c'était lorsqu'elle passait du temps avec leurs élèves, et les enfants en général. Elle était étonnamment patiente même avec les plus turbulents, et tous s'accordaient à dire qu'elle était une professeure d'exception et un exemple à suivre.

Gojo le premier. Il l'avait longuement observée, à plusieurs reprises et dans le plus grand des secrets, et elle était tout simplement dans son élément dans ce lycée. La rareté de ses sourires était d'autant plus précieuse qu'elle savait les esquisser avec une certaine douceur, qui contrastait avec la dureté qu'elle émettait habituellement. C'est-à-dire la plupart du temps.

Satoru vint déposer sa collègue sur le lit de cette dernière, dont les draps étaient encore parfaitement tirés aux quatre épingles. Il n'avait pas cru bon d'allumer la lumière de la chambre, afin de ne pas risquer de réveiller Junko, et seule la baie vitrée de la pièce déversait sur eux la lumière la lune, la porte d'entrée de la chambre s'étant presque entièrement refermée à cause d'un gond défectueux.

Il s'apprêta à partir, maintenant que sa mission était accomplie avec succès, mais n'eut pas même le temps de se redresser complètement qu'il se sentit chuter en avant, alors qu'il était trop absorbé dans la contemplation du visage endormi de la brune, dont les traits totalement détendus étaient un fait inédit pour Gojo. Chose qu'il avait remarquée au fil des années ; Junko ne laissait jamais entièrement tomber sa garde lorsqu'il était dans les parages.

A chaque fois qu'il croisait son regard, elle lui renvoyait une expression contrariée, avec des sourcils froncés et une moue jouant sur ses lèvres charnues. Pourtant, à chaque fois, il ne pouvait faire autrement que de laisser ses pensées jouer dans son esprit, toujours les mêmes.

Même avec une telle expression, Junko était belle. Que ce soit à cause de ses longs cheveux noirs, lisses et soyeux, de ses yeux sombres envoûtants renvoyant sa détermination, mais également une certaine fragilité sous-jacente qu'elle s'efforçait de dissimuler, ou même le sourire qui jouait sur ses lèvres lorsqu'elle voyait quelque chose qu'elle aimait...

Elle était tout simplement d'une beauté à couper le souffle. Son visage, son corps, sa personnalité... Tout lui plaisait chez Junko. Même si elle avait la fâcheuse manie de fumer et de le regarder avec dédain, rien ne pourrait changer sa façon de penser à elle.

C'est pourquoi, à cet instant présent, il sentit ses yeux s'écarquiller derrière son bandeau, alors qu'il observait la scène devant lui. Junko l'avait empêché de se relever, et avait même passé ses mains autour de son cou pour la seconde fois ce jour-ci, l'attirant au-dessus d'elle alors qu'il reposait ses mains sur le matelas de chaque côté de la tête de la jeune femme, afin de ne pas risquer de l'écraser avec son poids.

Junko avait rouvert ses yeux, deux flaques d'encre infinies et fiévreuses, qui le regardaient intensément, permettant à des centaines de papillons de voler dans son estomac comme bon leur semblait. Qui s'intensifièrent au moment où elle lui adressa un sourire enjôleur, qui ne lui ressemblait guère maintenant qu'il y pensait. Il sentit son cœur battre un peu plus fort contre sa cage thoracique, et il était quasiment sûr que le son était parfaitement audible par une personne extérieure.

Ne sachant que faire, il se contentait d'observer Junko sous toutes les coutures, détaillant les courbes de son visage plus que jamais ; il savait qu'il n'aurait jamais plus de telle occasion de satisfaire sa soif de connaissance insatiable.

Il sentit les mains de Junko glisser le long de sa nuque, frôlant la base de ses cheveux en le faisant frissonner sous le toucher doux et délicat de ses doigts. Les mains de la jeune femme continuèrent leur chemin jusqu'à son torse, appréciant la sensation de ses muscles que cachaient ses vêtements, caressant avec lenteur son corps fébrile.

Avant qu'il n'ait eu le temps de se rendre réellement compte de ce qu'il se passait, ses joues devenant rouges au fur et à mesure que le temps passait, Satoru sentit les doigts de la brune remonter jusqu'à son visage, où ils entreprirent de saisir délicatement les bords de son bandeau, jouant quelques instants avec avant de se décider à l'en débarrasser. Le tissu glissa le long de son nez, avant de finir sa course autour de son cou.

Ses magnifiques yeux bleus plongeaient à présent entièrement dans ceux couleur encre de Junko, et les deux passèrent de longs instants à se perdre dans le regard l'un de l'autre.

Un sourire se glissa sur les lèvres de la jeune femme quelques secondes plus tard, un sourire narquois plein de malice. Au même moment, ses joues cessèrent de se colorer de rouge et ses yeux de briller, chose étrange compte tenu du fait qu'elle était toujours alcoolisée.

Elle prit alors la parole d'une voix assurée, qui contrastait avec son état antérieur.

-Je ne te savais pas aussi timide, mon petit Satoru.

A l'entente de cette phrase, Gojo fronça les sourcils. Cela aurait dû lui faire incroyablement plaisir d'entendre Junko l'appeler par son prénom, enfin, mais il sentait que quelque chose clochait. La brune ne semblait plus être sous l'emprise de l'alcool, malgré le fait qu'elle l'était quelques instants plus tôt.

Il resta silencieux, ses joues perdant de leur chaleur progressivement. Les papillons arrêtèrent de voleter, son cœur reprit un rythme normal, et l'air ambiant devint presque pesant dans un laps de temps ridiculement court.

Junko sembla remarquer ce fait, puisqu'elle poussa un soupir à fendre l'âme, ses doigts quittant le visage de Gojo qu'ils exploraient précédemment.

-Oups. Je crois que j'ai été un peu trop loin... C'était pas très crédible, n'est-ce pas? En plus de cela j'ai légèrement relâché mon énergie maudite, ça me ressemble pas pourtant...

Elle laissa un petit rire lui échapper, qui se fana lorsqu'elle rencontra le regard empli de dureté de l'homme aux cheveux blancs. Etrangement. Jamais elle n'aurait cru le voir un jour regarder celle qu'il appréciait plus que tout avec une telle expression.

-Tu sais, Junko t'aime beaucoup. Plus qu'elle ne le devrait, d'ailleurs.

La jeune femme passa sa main contre la joue désormais froide de Gojo, qui se crispa à ce contact.

-Est-ce que c'est toi que j'ai senti durant le tournoi? Qui es-tu? lui demanda-t-il d'une voix emplie de colère.

-Je ne me fais cependant pas de soucis, continua-t-elle sur le même ton sans même répondre à ses questions, en chuchotant presque. Le souhait de cette fille est beaucoup plus fort que le reste, même de l'amour... Désolée, mon petit Satoru. Mais je ne vais rien ajouter de plus, sinon je risque d'outrepasser mes droits... A plus tard~

Et, sous les yeux de Gojo, ceux de Junko se refermèrent doucement, abandonnant la couleur bleutée qu'ils avaient revêtus l'espace d'un instant. La chambre replongea dans le silence, alors qu'il continuait de fixer le visage endormit et paisible de sa bien aimée.

Comme s'il avait pu percer les secrets que renfermaient la jeune femme rien qu'en la regardant.

Jujutsu Kaisen - Satoru x OC // A Reason To StayOù les histoires vivent. Découvrez maintenant