Les Racines du Saule ~1. La Tige~

Chapitre 30

Patte de Tige courait à travers la prairie, haletante, lorsqu'elle songea subitement au fait qu'elle n'allait peut-être pas vers le bon endroit. La femelle fonçait droit vers les deuxièmes lignes de front, là où les autres équipes ombragées et tournoyantes attendaient l'heure de la relève, et où se trouvaient probablement déjà le reste des combattants ondoyants et foudroyants.

La guerrière n'avait aucun intérêt à pénétrer sur ce nouveau champ de bataille, elle n'y serait une aide pour personne.
Il valait mieux qu'elle aille rejoindre les félins restés au camp, pour le défendre, lui et les chats sans défense qui s'y protégeaient.

La guerrière freina brusquement dans sa course, et fit un grand détour pour éviter les combats et se rendre directement au campement.
Maintenant que son adrénaline était retombée, son épaule lui faisait mal, et l'anxiété lui serrait le ventre.
Patte de Tige avait agit sur un coup de tête, elle aurait dû demander à Poussière de l'Aube de l'accompagner. Ça aurait été le seul à comprendre son raisonnement.

En quoi une guerrière blessée et endeuillée de la mort de son père pouvait-elle être une aide face à des félins ondoyants et foudroyants déchaînés ?

La femelle brune claire ralentissait dans sa course, le choc engendré à chaque pas se propageant dans ses pattes et remontant jusqu'à son épaule meurtrie. Les toiles d'araignée qu'avait appliquées Pelage de Pommier la gênaient, et les grandes herbes à travers lesquelles la guerrière courait lui fouettaient le museau et lui brûlaient le nez comme un poison, sûrement parce que c'était la première fois que Patte de Tige sentait se mêler l'odeur du sang à celle de sa chère prairie.

La guerrière hésita à faire demi-tour pour retourner chercher Poussière de l'Aube, mais elle se ravisa finalement en réalisant que cela prendrait trop de temps, et qu'il ne fallait pas en perdre.

Elle continua donc sa course, et se retrouva rapidement à l'arrière du camp tournoyant, un poing de côté lui serrant les entrailles, une épaule douloureuse suintant de sang, et un souffle absent l'accompagnant.

Elle fit le tour du ravin en marchant pour se retrouver face à l'entrée du camp, dressant l'oreille pour essayer d'entendre le moindre bruit suspect.

En entrant dans le campement, la brune claire remarqua que tout était en ordre et silencieux, mais que la cavité principale paraissait complètement vide.
Où étaient passés Étoile de Lichen ainsi que tous les autres guerriers qui devaient défendre le camp ?

Elle se dirigea vers le boyau qui menait à la tanière du guérisseur, et une drôle d'odeur attaqua brusquement son museau...

...une odeur qui ressemblait étrangement à celle du sang.

Le cœur de Patte de Tige se serra.

La chatte avança de quelques pas, et un frisson d'horreur la parcourut lorsqu'elle aperçut le corps de Souffle d'Or étendu au sol, recouvert d'un liquide rouge et poisseux. La vision de la femelle se brouilla un instant, et sa tête tourna.

Horrifiée, la guerrière n'osa bouger.
Puis, avec maladresse, Patte de Tige se précipita vers la reine, et la secoua en tachant ses pattes de son sang.

— Souffle d'Or ?, bredouilla-t-elle à voix basse. Tu m'entends ?

Sa gorge se noua lorsqu'elle se rendit finalement à l'évidence.
Un troisième chat était mort.

— Patte de Tige...?, balbutia une voix enfantine, à quelques queues de renard.

Petite Truffe se tenait devant la tanière des guérisseurs, le museau froncé et les yeux écarquillés de terreur.