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— Tu disais quoi déjà ? demandé-je en reprenant conscience de la réalité, dans cette cave, probablement entourés par le feu.

Je devrais m'affoler, mais j'ai juste envie de recommencer.

— Que le moment était mal choisi pour ça, rigole-t-il.
— Je ne veux pas te quitter, Antoine. Je ne voulais juste pas te partager. Avec personne.
— Pour quelqu'un qui ne veut pas partager, me répond-il, je trouve que tu parages très bien tes problèmes.

Je  ne me vexe pas. Antoine me fait toujours rire. Plus rien n'a  d'importance. Je souris pour la première fois depuis une semaine.

Je  le laisse se réajuster en m'empêchant de lui sauter dessus. Je devrais  plutôt réfléchir à un moyen de sortir d'ici sans mourir asphyxiée ou  brûlée vive. Antoine, lui, consulte son téléphone avec  professionnalisme.

— On ne capte aucun réseau ici. Pas étonnant.  Mes collègues ont toutefois eu le temps de réagir et d'envoyer une  équipe pour maîtriser l'incendie.
— Quel genre d'équipe ?
— Des pompiers, me répond-il avec perplexité. Je me demande où mène cette porte, marmonne-t-il en essayant d'ouvrir la porte du fond, verrouillée.

Toujours assise sur le bureau, ma tête se tourne instinctivement vers les cartes postales et mon regard se pose sur une petite clé suspendue à une punaise plantée dans un tableau en liège. Effet secondaire de l'avoir eu dans mon champs de vision pendant... un certain laps de temps, dirons-nous. Je m'en saisis et l'agite malicieusement sous le nez de mon amant. Je lui laisse toutefois la petite victoire de déverrouiller lui même le mystérieux passage vers l'inconnu. Nous passons prudemment le bout du nez par l'entrebaillement de la porte pour y découvrir un grand couloir sombre.

— Et s'ils nous trouvaient en passant par là ? chuchoté-je.
— Les pyromanes ? Crois-moi, avec le brasier qu'ils ont provoqué, ils se sont enfuis depuis longtemps.

Je le regarde d'un air suspicieux.

— Oui, concède-t-il. À moins qu'ils ne soient complètement stupides. Mais permets-moi de laisser planer le doute là-dessus. Ils étaient assez bien équipés.

Mes yeux se posent sur une sorte d'interrupteur en porcelaine. J'appuie dessus avant qu'Antoine ne termine de hurler de ne pas y toucher malheureuse, ça pourrait faire exploser un truc. L'une après l'autre, des ampoules de lumière blanche s'allument le long du couloir, suivant la ligne du fil électrique qui les relie en pendouillant, jusqu'à se perdre dans un virage à une vingtaine de mètre de nous. Nous décidons d'explorer ce chemin, qui nous mènera peut-être à un lieu plus sûr et plus en surface. Nous ne croisons aucune porte, aucune fenêtre ni alcôve pendant plusieurs minutes, suivant l'unique chemin étroit clairsemé d'ampoules grésillantes, et ses virages qui semblent n'avoir aucun sens. Au détour de l'un d'eux, la chaleur s'intensifie.

— L'incendie, conclut Antoine.
— Ça a chauffé les parois ?
— Non, je pense qu'il court toujours, et que nous nous rapprochons de la surface.

Au virage suivant, nous apercevons une nouvelle porte, blindée elle aussi. Je me précipite vers elle, mais Antoine me retient.

— Il fait encore plus chaud, tu as remarqué ? Il vaut mieux ne pas l'ouvrir. Si ce qui se trouve derrière est en feu, ça fera un appel d'air et on sera cuits. Au sens propre.

Je tente de faire le point sur le chemin parcouru.

— On pourrait être sous la maison. Ou au vieux cimetière des Arbouillères.
— Ou quelque part dans les égouts de Verneuil sur Vienne.
— Non. On a tourné quatre fois à gauche et une fois à droite. Je ne sais juste pas exactement comment le bunker est orienté, mais soit on est sorti du bois par le champ qui me sépare de Verneuil, donc au vieux cimetière, soit on est retourné à la maison. Bon sang, on crève de chaud.

Antoine regarde à nouveau l'heure à sa montre.

— Retournons au bunker avant qu'il ne soit gagné par la chaleur. Il faudrait rester à l'abri encore une bonne heure, pour être certains de laisser les pompiers faire leur travail.

Temps que nous occupons à nous réconcilier comme il se doit.

Le Marais des hérétiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant