Antoine tire une tête de 3 mètres de long. Au bas mot.
— Ferme la bouche, capitaine Rivière. Tu en as vu d'autres. Je ne m'attendais pas à la croiser. Paris est trop grand pour croiser un ex. Alors qu'à Limoges, tu dois les voir tout le temps, les tiennes. Je n'oserais jamais y mettre les pieds.
— Non, tu ne croiserais personne à Limoges, se décide-t-il enfin à parler.
— Ah bon ? Tu t'arranges pour collectionner les maîtresses en dehors de la ville ?
— Oui.
Alors là, il me scotche.
— Vraiment ?
— Non ! Bien sûr que non ! Mais si je ne t'arrêtais pas, je suis certain que tu te serais inventé une histoire de brigadières avec lesquelles je m'enverrais en l'air pendant mes heures de pause. Et tu serais capable de...
— De quoi ? je me vexe.
— De leur donner des prénoms !
Mmmm... Il n'a pas tort. Je ne vais donc pas oser lui avouer que ça fait déjà un moment que j'ai imaginé Jocelyne, une agent de sécurité (pourquoi le mot « agent » n'a pas de féminin ? Les femmes aussi peuvent être agent de sécurité ! Il faudrait que je creuse la question) qui tient l'accueil les lundi et mardi en espérant que l'administration française lui accorde de porter son deuxième prénom, Brenda, et qui ne vit que dans l'attente de ses rendez-vous secrets avec le capitaine Rivière, le beau gosse de service qui a fait HEC dans sa jeunesse, qui pour le moment se contente de s'envoyer en l'air avec elle dans le cagibi des femmes et hommes de ménage entre midi et deux, mais va très certainement avoir une révélation un jour et l'épouser, la sortant ainsi de sa misère affective et sociale.
Malheureusement pour Jocelyne-Brenda, ça fait trois semaines que le beau capitaine ne l'invite plus pendant la pause déjeuner. Elle est sexuellement en manque et commence à bouffer à d'autres rateliers, comme le taciturne lieutenant Clouet, qu'elle imagine comme une sorte de John Wick ténébreux. Mais Clouet ne connait pas l'existence du cagibi du ménage. Jocelyne dépérit peu à peu. Bien entendu je sais que c'est de ma faute, parce qu'il y a un mois, je lui ai purement et simplement ravi Rivière grâce à mon charme incomparable, lorsqu'il m'a sermonée alors que j'étais couverte de boue après avoir brisé les os de la main droite d'Ambroise Monteiro.
— Angèle.
— Je suis désolée pour Jocelyne.
— Tu veux dire Lydia ?
— Non, je ne vais pas m'excuser de m'être fait aborder par mon ex que je n'avais aucune envie de revoir.
— Mais qui est Jocelyne ?
— Tu me dois un sombre secret.
Antoine m'offre un regard vide. Je crois que j'ai raté une marche. Il est évident qu'il n'arrive pas à me suivre. Je devrais faire plus attention.
— Angèle, reprend-il. Est-ce que tu m'as inventé une ex pour compenser la rencontre avec Lydia ?
Je rougis jusqu'aux oreilles.
— Peut-être.
— Tu te rends bien compte que je me fiche totalement de rencontrer tes ex ?
— Ah bon ? dis-je d'une petite voix que j'espère mignonne et attirant la compassion.
— Oui. En revanche j'aurais aimé être prévenu que certaines seraient des femmes.
— Oh.
— Oui, oh. À moins que Lydia ne soit la seule ?
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Le Marais des hérétiques
Misteri / ThrillerÀ peine remise de sa précédente aventure, Angèle Kashinsky reçoit une lettre mystérieuse qui va l'amener à poursuivre la piste d'un trésor englouti, mais également son propre passé enfoui dans les méandres de sa mémoire. Cette histoire est la suite...