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Il me tient la main. Je la lui reprend immédiatement.

— Antoine, vociféré-je rageusement. Tu me colles décidément plus que du papier tue-mouche.

Il s'offusque.

—  Angèle, tu m'as raccroché au nez lorsque je t'ai demandé si tu  viendrais. Tu m'as embarqué dans cette histoire de code, tu te souviens ?  Que tu aies décidé ou non de venir aujourd'hui n'a rien changé au fait  que je voulais également obtenir des réponses. Tu disparais et tu crois  que je vais vivre en fonction de toi ? Tout ne se rapporte pas à toi.

Ça  fait mal.
Le problème, quand on est avec quelqu'un et qu'on finit par  s'embrouiller, c'est qu'on est bon pour se faire cracher ses vérités au  visage à chaque fois qu'on se croise. Et qui a envie de connaitre ses  vérités ? C'est tellement bien de s'auto-excuser comme on se  vautrerait dans un canapé confortable et mou.

— Laisse-moi te raccompagner.

Je  suis tellement abasourdie par cette volte face que j'accepte et  regrette aussitôt. Quelques minutes plus tard, je me fais sermonner dans  une 4TL vert d'eau sur la route de Verneuil sur Vienne.

— Angèle,  arrête de faire la gueule. Puis-je te rappeler que c'est toi qui m'a  accablé de fausses accusations avant de mettre un terme à toute  relation avec moi...
— Ce que tu n'as pas été capable de respecter.
— Et je  suis tout de même là, continue-t-il sans prêter attention à mon  interruption, à te raccompagner, alors que je viens de te voir te jeter  dans les bras d'un autre type. Ce serait pas mal d'arrêter les frais  avec la fierté mal placée, et d'avoir une conversation d'adulte à  adulte, non ?
—Je te trouve gonflé de me faire une remarque sur mes fréquentations, bougonné-je.
—  Je ne suis pas bête. j'ai vu ce que j'ai vu. Alors que tu viens de  disparaitre sans donner un signe de vie pendant plusieurs jours.  Imagines-tu à quel point je me suis inquiété ? Tu pourrais au moins me  dire ce qui s'est passé. J'ai appelé Adèle. Elle m'a raconté. Alors  maintenant, même si je n'ai pas ton imagination... fertile, deux options  s'offrent à moi : Soit tu as interprété un mot de travers et tu t'es  imaginé toute une histoire, soit tu as rencontré ce type et tu n'as pas  osé me le dire.

Je ne relève pas la remarque sur Rodrigue. Je suis encore complètement secouée après l'avoir revu. Mes mains tremblent rien que d'y penser. Je ne sais pas si c'est de joie, de peur, ou d'incompréhension. Je commence à percevoir ma rancœur.

Face à mon silence, Antoine commence à perdre patience.

— Après avoir eu Adèle au téléphone, j'ai essayé de t'appeler, de t'écrire. Elle était persuadée que tu n'avais rien écouté de ce qu'elle t'a dit sur le chemin pour te ramener chez toi. J'avais besoin de t'expliquer, de parler avec toi. Mais tu ne m'as laissé aucune chance. Tu as préféré t'enfermer dans ce que tu as cru entendre.
— Je n'ai rien cru, comme tu dis. J'ai parfaitement entendu. Tes copines ont parlé de ton mariage, du mariage des Rivière. De Antoine et Roxane. Je pense que c'est suffisamment clair. Roxane, putain ! Ses parents se sont pris pour Edmond Rostand ou quoi ? C'est ça, qui t'a plu ?
— Angèle...
— Il y a peut-être des filles à qui ça convient, continué-je. Mais moi ça ne me convient pas de sortir avec un homme marié. J'ai peut-être les règles les plus stupides de la terre à tes yeux, mais ça me regarde.

La voiture tremble de plus en plus sur la petite route de campagne que nous empruntons en dépassant Verneuil sur Vienne pour nous rendre chez moi. Je sens à sa conduite sportive qu'Antoine s'énerve franchement.

— Tu veux bien m'écouter, Angèle ? Si tu avais écouté attentivement Adèle, tu saurais que je ne suis pas marié.

Je hoquète en lui lançant un regard outré.

— Mais c'est la vérité, putain, s'énerve-t-il franchement. Tu le saurais si tu avais écouté Adèle. Tu le saurais si tu avais décroché le téléphone. Mais tu ne m'as laissé aucune chance. Tu as préféré t'enfermer dans ce que tu as cru entendre.
— Bien sûr que j'ai écouté Adèle, qu'est-ce que tu vas t'imaginer ?
— Oh, mais moi je ne m'imagine rien. Justement. Je me suis dit que ton silence ne pouvait pas venir d'un malentendu aussi énorme. Je pensais qu'il s'agissait d'autre chose. Qu'il s'était passé quelque chose de grave. C'est un quiproquo tellement improbable !

Antoine boue littéralement de colère lorsque nous arrivons sur ma propriété des Arbouillières. Il déboule dans la cour et freine brusquement pour arrêter la voiture. Je m'en extirpe comme une furie et cours vers la maison en espérant pouvoir lui fermer la porte au nez. Il se précipite à l'extérieur de l'habitacle et me poursuit. Mais je ne trouve pas mes clés assez rapidement. Il entre dans la maison juste derrière moi.

Le Marais des hérétiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant