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Comme depuis un mois, la semaine se passe, morne et identique à la précédente, seule chez moi avec mon pull en alpaga et mon short, quasiment sans contact humain, à échanger quelques textos avec Antoine qui travaille trop pour être disponible.
J'ai mon avocat au téléphone qui m'annonce que le dossier est en train de se constituer et que je peux relâcher la pression quelques mois. Je ne sais pas si c'est sensé me rassurer, mais ça a plutôt l'effet inverse.
En parallèle, ma sœur continue de me harceler par messagerie vocale, si bien que j'arrête très vite de consulter cette dernière. Je ne vois pas ce qu'elle attend de moi. Je ne peux pas défaire ce qui a été fait par le passé. Et encore moins abandonner mon témoignage dans l'affaire Monteiro.

En milieu de semaine, je reçois un message d'Antoine qui finit de m'achever : un anniversaire surprise d'un ami de longue date le retient à Limoges ce week end. Il semblerait qu'il ne s'attendait pas à être invité, mais que ça fait des années qu'il n'a pas vu ces potes de lycées et donc il a décidé de s'y rendre.
Je passe la soirée de mercredi allongée dans mon lit à regarder le plafond en songeant au corps d'Antoine Rivière. Ce n'est que vers 2h du matin que je pense à la possibilité de me trouver quelqu'un juste pour la soirée. Ça me dégoûte aussitôt. Oh, merde. On dirait que je suis accro.

Au petit matin, après deux heures de sommeil disséminées entre minuit et 6h, j'envisage la possibilité de prendre un billet de train pour Limoges. Je pourrais en profiter pour passer au Manoir des Heures Claires ? Je n'y ai pas remis les pieds après l'affaire des diamants de Zélie Kashinsky. Je suis la seule à avoir les clés. À part la police de Limoges, bien sûr. D'après Antoine, le courrier s'entasse. Je pourrais faire d'une pierre deux coups. Passer le week-end avec lui et reprendre le tri chez mamie.

Ni une ni deux, j'achète mon billet et me mets en quête de quelques frusques propres à mettre dans ma valise. En prenant la pile de courrier de mamie pour la fourrer dans mon sac (il faudra bien que je m'y mette), je retombe sur le papier sur lequel j'avais noté « Sidonie Gabrielle Chéri ».
Et, comme ça, alors que je n'y avais prêté aucune attention sur le moment, je revois Rose me le jeter à la figure. En me disant que j'étais répugnante. Que ça ne l'étonnait pas que je lise du Colette.
Pourquoi m'avoir dit ça ? Il se trouve que je n'ai jamais lu un livre de Colette. Je manque sans doute de culture. Quoi qu'il en soit, il y a forcément un lien avec l'énigme. Je la googlise. l'énigme, pas Rose.

Le résultat est sans appel :

Chéri - Sidonie Gabrielle Colette.
La Fin de Chéri - Sidonie Gabrielle Colette
Colette - Wikipedia
Colette (1873-1954), de son vrai nom Sidonie Gabrielle Colette

Oh merde. D'un coup, le « Chéri » me saute aux yeux. J'ai beau être inculte, je connais l'existence de Chéri et de quelques Claudine. Merci la bibliothèque de mamie Co... OH MON DIEU.

Ça me fait mal de devoir quelque chose à Rose, mais on dirait qu'elle vient de trouver la clé de l'énigme du deuxième vers de mon poème étrange. Le nom de mamie Colette y est cité ! Chaque ligne doit correspondre à une petite énigme !

J'ai hâte de raconter tout ça à Antoine.

Le Marais des hérétiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant