○ Chapitre 1 - Louis

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e̶t̶ ̶l̶'̶é̶m̶e̶r̶a̶u̶d̶e̶ ̶r̶e̶n̶c̶o̶n̶t̶r̶a̶ ̶l̶'̶o̶c̶é̶a̶n̶
̶d̶é̶c̶h̶a̶î̶n̶é̶ ̶q̶u̶'̶é̶t̶a̶i̶t̶ ̶s̶o̶n̶ ̶c̶œ̶u̶r̶.̶


Un midi début janvier - Louis .

Ce matin là, quand je me suis réveillé, je n'avais pas envie d'ouvrir les yeux. Je ne voulais ni les ouvrir, ni sortir de mes draps, ni me bouger pour faire quoi que ce soit. Je crois que je ne voulais tout simplement pas vivre. Ça m'arrivait parfois (souvent), d'avoir ce... ressenti? Pas envie d'être là, mal au cœur à la simple pensée de devoir se lever, juste envie de rester sous la couette à dormir toute la journée pour ne plus penser - à ne rien faire si ce n'est faire comme si j'étais mort. Pas d'explication particulière, je n'avais juste pas envie d'exister aux yeux du monde, et à mes yeux à moi non plus. J'aurai préféré dormir. Dormir et ne plus jamais ouvrir les yeux.
Mais je me suis motivé avec le modèle vivant, parce que ça faisait longtemps que je n'étais plus allé à un cours et parce que notre professeure nous avait prévu une surprise. Et puis du Fauve est passé dans les musiques qui jouaient après mon réveil, Azulejos pour être exact, alors ça m'a suffit comme arguments pour me faire lever. Et peut-être aussi que ça m'aiderai à ne plus trop y penser, de dessiner.

En me levant, j'ai eu la sensation d'être vide - d'être un sac vide, un truc qu'on trimbale parce qu'on a pas le choix, comme un cahier de maths. (Je déteste les maths.) Un truc qu'on prend juste pour aller le jeter à la poubelle, un de ces vieux sacs plastiques un peu inutiles. Un de ces vieux sacs plastiques à deux balles. Et je détestais déjà aujourd'hui alors qu'il venait à peine de commencer.
Je suis parti dans la salle de bain de mon appartement quand même, parce que je m'étais bien levé pour quelque chose, et mon regard s'est égaré dans le miroir, sur mon corps ballant et affreusement mince, et j'ai encore moins eu l'envie d'être là, de me voir, de voir le monde entier. Juste envie d'avoir les yeux clos, tout le temps, jusqu'à ce que ça arrête de me faire aussi mal.
J'ai failli vomir, en fait. J'ai eu envie de pleurer, j'en avais les mains qui tremblaient, mais je crois que je n'avais plus vraiment de larmes parce que j'avais trop pleurer la veille encore, pour une raison presque inconnue - ou alors trop connue pour être anodine. J'avais les yeux presque secs, ou en tout cas ils me faisaient mal - puis aussi les traces de sels des larmes sur mes joues. J'avais un regard rouge et des cernes de trois kilomètres de long. Je n'étais pas beau à voir. Et quel putain de réveil c'était.

Je suis rentré dans ma douche rapidement, j'ai allumé l'eau, j'ai rapidement passé le savon sur mes bras que je trouvais ridicules, mes jambes que je voyais trop fines, sur mes cuisses un peu trop abîmées.
Je me suis rincé, j'ai arrêté l'eau, je me suis séché, et je suis parti m'habiller.
Je n'ai fais aucun effort particulier, enfilant simplement un haut style marin breton qui tranait sur ma chaise de bureau, un pantalon beige qui lui  appartenait, et un paire de vans à la base blanches mais jaunies par le temps. Et un vieux blouson aussi. Un blouson en jean clair qui appartenait à mon grand-père et que j'aimais bien un peu (beaucoup). Et puis j'ai mis du parfum, je me suis brossé les dents, et je suis enfin parti de ma salle de bain.

J'ai été dans le salon pour récupérer mes affaires d'arts - et dans le cuisine pour me servir un verre d'eau. Mais je n'ai pas mangé, parce que j'avais cette peur ridicule de vomir, et de grossir aussi. Ça m'arrivait parfois. Pas souvent. Vraiment pas souvent. Presque jamais. Je ne m'en inquiétais pas. Ce n'étais pas grave. Rien n'était grave.

J'ai rassemblé mes affaires de dessin, et cette fois-ci j'ai tout pris. Enfin, j'ai pris tout ce que j'étais capable de prendre. C'était lourd, mais j'espérais pouvoir me rattraper à ce cours sur les séances dernières où je n'avais pas fais grand chose, et j'espérais surtout que ces cinq heures arriveraient à me raviver l'esprit, à me faire oublier que je n'étais qu'un connard malchanceux et maladroit, un corps vide avec une tête vide, ou alors trop remplie, je ne sais pas. Je ne sais jamais rien. Un hypersensible de merde, un petit "pd" comme ils (les gens) aimaient m'appeler avant, un trop ridicule. Un trop pathétique.

Martyre.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant