« Il vous manque une seule personne pour vous, et le monde entier est vide. »
Hermione Granger avait lu cette phrase dans un livre dont elle avait déjà oublié le titre. C'est vrai. Depuis que c'était arrivé, elle s'était surprise à scanner des rayons de bibliothèque moldues, sans vraiment savoir sur quel bouquin arrêter son choix, et avait feuilleté quelques livres de développement personnel au sujet du deuil. Elle était tombée sur cette phrase et avait refermé le livre d'un claquement sec. Elle n'était plus retournée à la bibliothèque.
Ça fait neuf jours aujourd'hui. Comment célèbre-t-on l'anniversaire de la mort de quelqu'un? Pourquoi doit-on souligner les entités temporelles : une semaine, un mois, six mois, une année? Qu'est-ce qu'il y a, entre ces entités? Car pourtant, le deuil y est quand même. Présent comme la créature la plus morbide qui soit, guettant chaque pensée et émotion. Pourquoi n'entend-t-on jamais personne dire : « Ça fait aujourd'hui 1243 jours depuis » ?
Ça fait 9 jours aujourd'hui.
216 heures.
12 960 minutes.
777 600 secondes depuis que Sam est parti.
Mort.
Hermione changea de position sur son lit et remonta la couverture au-dessus de son nez. Ses cheveux en bataille sauvagement étalés sur l'oreiller imbibé de larmes sèches. Ses yeux qui se perdaient, qui revenaient sans cesser vers la photo de famille, debout sur sa commode. L'horloge murale qui battait les secondes avec un tempo ridiculement lent. Le visage de la mort placardait son rictus sur tous les murs de sa chambre. Elle frissonna. Sa robe noire était encore en petite boule au sol à l'endroit même où elle l'avait balançée lorsqu'elle était revenue des funérailles.
Elle avait vu Harry, Ron et Ginny, la famille Weasley et quelques amis de Poudlard. C'était une cérémonie moldue, pour permettre à la famille élargie des Grangers d'y assister, mais ses amis étaient quand même venus, habillés sobrement comme des Moldus.
Elle avait serré des mains, reçu des embrassades, des câlins, des cartes, des fleurs, mais absolument personne ne lui avait donné la seule chose qu'elle voulait. Lui. En chair et en os. C'était ridicule. Comment quelqu'un pouvait-il écrire « Il sera toujours dans ton cœur » ? Ce n'était pas là qu'elle le voulait. C'était avec elle, à ses côtés. Elle voulait entendre ses taquineries, elle voulait sentir sa main ébouriffer ses cheveux. Ses bourrades énervées sur son épaule lorsqu'elle l'agaçait trop.
Elle posa finalement les yeux sur la cicatrice, encore sensible, qui s'étirait de son petit doigt jusqu'à son poignet. Encore gonflée. Elle ferma son poing et ignora la sensation de douleur que cela provoqua dans toute sa main. Ses yeux retournèrent vers la photo de famille. Sam était là, beau et grand. Il avait presque les mêmes traits qu'elle. Des cheveux désordonnés, des yeux malicieux, un nez retroussé. Imparfait. À son poignet trônait la montre qu'elle lui avait offerte des années auparavant pour son anniversaire. Maintenant disparue.
La montre n'était pas la seule chose que son frère avait emporté avec lui après sa mort. Il avait emporté toute son énergie, son appétit, son oxygène. Après la guerre contre Voldemort, elle croyait enfin qu'elle allait mener une vie normale et tranquille. La guerre était terminée depuis un peu plus de deux mois déjà. Et dès le début du mois de juillet, la tragédie avait frappé sa famille.
Hermione réalisa que sa bouche était pâteuse et rejeta ses couvertures pour se lever. Elle n'avait pas envie de croiser ses parents, mais tant pis. Elle entrouvrit légèrement la porte de sa chambre pour tenter d'écouter un quelconque bruit qui lui permettrait de savoir si ses parents étaient près, mais elle n'entendit rien. Elle se faufila en silence hors de sa chambre vers la salle de bain sur le même étage. La moquette étouffait le bruit de ses pas. Bien.
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De sang-froid
Fanfiction*Le frère d'Hermione a été tué juste avant que les élèves de septième année ne reviennent à Poudlard pour reprendre leur année perdue. Une Gryffondor endeuillée, un Serpentard orgueilleux, un meurtrier en cavale, mais surtout... deux âmes délaissées...