De sang-froid

14. Brûlé

Cette nuit-là, lorsque Drago alla s'écraser sur son lit sans même retirer ses habits de bal, il s'endormit presque aussitôt. Il rêva de la bestialité qui animait les yeux de Bellatrix alors qu'elle était penchée sur Hermione en train de graver cet horrible mot sur son bras. Il rêva des hurlements de la Gryffondor qui remplissaient le sombre manoir, du rire euphorique de sa tante. Et alors qu'une pulsion le poussait à se ruer en avant pour faire n'importe quoi, ses pieds étaient cloués au sol, comme s'il était sous un sortilège. Et plus il essayait, plus la scène s'éloignait. Il rêva des sanglots et des supplications de Hermione et de l'odeur de rouille qui planait dans le manoir. Le sang de Hermione avait la même odeur que le sang de n'importe qui.

Drago émergea de son sommeil en avalant une grande goulée d'air, le cœur battant violemment contre sa poitrine. Il se redressa précipitamment pour s'asseoir, les images du manoir et du mot ensanglanté sur son avant-bras marqué dans son cerveau comme une étampe. Ses cris résonnaient encore dans sa tête. Le clair de lune éclairait, tels des diamants scintillants, deux perles de larmes sous ses yeux.

***

Hermione était installée à la bibliothèque, essayant tant bien que mal d'avancer ses devoirs. Ses ASPICS la rendaient nerveuse, mais elle avait aussi confiance en ses capacités. La montre de son frère lui tournait dans l'esprit, incessante et sans répit. Maintenant qu'elle avait pu se reposer après la soirée fatigante qu'ils avaient vécu hier au bal, elle tentait de ne pas trop penser au Serpentard, à ce picotement qu'elle avait ressenti lorsqu'il l'avait touchée, mais aussi à ses paroles qui témoignaient d'un doute évident sur ses propres préjugés. Elle avait commencé à le percer, elle le savait et le sentait dans sa façon d'agir et d'éviter certaines questions. Elle essayait aussi de garder ses attentes à un minimum.

Elle ne savait pas le meilleur moment pour retourner à Pré-au-Lard. Ses amis allaient bientôt commencer à remarquer ses absences répétitives. Bien sûr, elle avait plusieurs responsabilités à remplir et étaient moins souvent avec eux, mais elle les savait perspicaces. Soupirant, Hermione comprit qu'elle allait devoir tout leur raconter, y compris les « avertissements » qu'elle avait reçus. Après tout ce qu'ils avaient vécu ensemble, elle ne pouvait se résoudre à les exclure autant.

Elle se leva, ramassa ses affaires et se dirigea vers la salle commune des Gryffondors.

***

Hermione, Ginny, Harry et Ron étaient assis dans l'herbe près du Lac Noir. L'air était froid et ils portaient tous des petits gants. Par chance, elle les avait tous repêchés dans la salle commune et avait préféré s'éloigner des oreilles indiscrètes pour leur parler. Elle avait commencé par leur parler de ce qui s'était passé dans la salle de bain du sixième étage et « l'attaque » de Laurent, en répétant les paroles qu'il lui avait dites. Puis, elle avait parlé, sans trop de détails mais avec difficulté, de l'attaque de Grayson, répétant les paroles qu'elle avait reçues.

-...et quand j'ai vu la montre dans la vitrine, j'ai eu un choc, termina Hermione. Je me suis sauvée et j'en ai parlé à Drago, mais il a...

-Attends, attends, l'interrompit Ron. Tu en as parlé à Malefoy?!

-Je ne savais pas qu'il était si intéressé par cette histoire! Se défendit-elle.

-Tu en as parlé à Malefoy, mais pas à nous? Grinça Harry.

-J'étais embarrassée! C'était terrible, Harry.

-Je suis au moins soulagé de savoir que tu en as parlé, pour ton frère!

-Je t'en prie, arrête cela..., soupira la jeune fille.

Ginny lui donna un coup de coude dans les côtes en lui faisant les gros yeux. Elle était restée silencieuse du début à la fin.