Chapitre septième

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Sur le chemin du retour, ce samedi-là vers quatorze heures, je n'avais fait que penser à Harmonie. Je n'avais fait que penser à ce qu'elle m'avait avoué la dernière fois que je l'avais vue, au lourd secret que je connaissais à présent et dont le poids oppressait à présent mon dos autant que le sien. J'avais maintenant envie de la voir le plus possible, de partager avec elle le plus de temps possible, de jouer pour elle le plus de morceaux possibles, et j'avais plus que jamais l'intention de la rendre heureuse et de faire dessiner de magnifiques sourires sur son visage.

Plus que jamais, j'étais déterminé à l'aider à réaliser son rêve. Cela peut vous sembler exagéré, mais j'avais désormais l'intention de consacrer tout mon temps pour qu'elle se sente bien, et qu'elle puisse partir le sourire aux lèvres. C'était devenu une raison de vivre ; j'y pensais à longueur de journée, et toujours son sourire était la plus grande source de motivation que je parvenais à trouver. Je parvenais à faire mes devoirs car je me disais que lorsqu'ils seraient finis je pourrais jouer ses morceaux, et c'était valable pour toutes les autres activités.

La chose qui m'enchantait moins était que je n'avais pas pu la voir ce matin-là, et n'avais pas pu le lui dire. Et Lise ne le savait pas non plus, ce qui n'arrangeait pas l'affaire. Je comptais venir le lendemain, pour me racheter et lui demander pardon. Par pitié, faites qu'elle ne m'en veuille pas !

Dès que j'eus posé un pied à l'intérieur de la maison, ma mère m'appela. Je verrouillai la porte, puis me tournai vers elle, posai mon sac par terre et m'affalai dans un fauteuil.

- Demain, on va chez des amis de ton oncle pour l'après-midi.

- Quoi ? Attends. On, ça veut dire vous ou nous ?

- Ça veut dire que tu viens aussi.

Oh non ! Voilà qui complique mes plans !

- Oh... Mais je ne les connais même pas !

- Et alors ? Tu es sociable et extraverti d'habitude, tu ne devrais pas avoir de problème avec rencontrer de nouvelles personnes !

- Oui, mais bon ! J'avais prévu d'aller voir Harmonie, moi ! Déjà que je n'ai pas pu aujourd'hui !

- Eh bien ! Tu y iras le week-end prochain !

- Une semaine ! Mais c'est long !

- Une semaine, c'est rien !

Quand il ne reste qu'un ou deux mois, une semaine c'est une éternité !

- Et puis, ils ont un fils de ton âge. Vous allez pouvoir discuter.

- Moui... Il faudra arrêter de croire que je vais bien m'entendre avec lui juste parce qu'il a le même âge que moi. Je vois de véritables fossés entre moi et les autres adolescents, d'habitude.

- Eh bien là, tu feras un effort, qu'est-ce que tu veux que je te dise !

- Je pourrai prendre mon violoncelle ?

- Bon sang, Elio ! Il n'y a pas que la musique, dans la vie ! Fais-toi des amis, aussi !

- J'en ai des dizaines, d'amis !

- Mais tu passes plus de temps avec ton violoncelle qu'avec eux ! Honnêtement, tu préfèrerais perdre ton instrument ou tes amis ?!

- Ça dépend quels amis... !

Je revendrais mon violoncelle mille fois si ça me permettait de garder Harmonie... !

- Pfff. Heureusement que Lise et Harmonie sont là pour te rappeler la définition d'un ami ! Sinon, tu aurais fini par considérer ton violoncelle comme ton meilleur ami, tes partitions et ton pupitre comme tes camarades, et tous les instruments qui peuplent la France comme tes concitoyens.

Le Chant du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant