Chapitre onzième

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Ces vacances s'annonçaient terribles. Le simple fait de regarder mon agenda empli de devoirs-maison me le confirmait. Ensuite, le fait d'aider Lise à porter ses valises pour qu'elle aille profiter du soleil de l'Espagne pendant que je serais enfermé dans ma chambre à cause de la pluie à l'extérieur me le confirmait également. Bien entendu, je comptais rendre visite à Harmonie tous les jours du matin au soir. A partir de mercredi, à son retour, Lise ferait d'ailleurs de même.

Comme Harmonie n'avait pas pu me donner de morceaux à jouer la dernière fois que je l'avais vue, je vins sans mon instrument. Aussi, je ressentais le besoin urgent de lui parler, qui ne laisserait sans doute aucune minute consacrée à la musique dans nos futures conversations.

Je courus aussi vite que je le pus, n'ayant jamais été aussi pressé de la voir. Arrivé devant sa chambre, je poussai une grande inspiration, priai une nouvelle fois pour qu'elle ne soit pas fâchée contre moi, et frappai. C'est une voix faible et monotone qui me fit entrer.

Un sourire chassa quelques larmes de son visage blême lorsqu'elle me vit entrer. Elle était assise sur son lit, agenouillée, et pleurait à chaudes larmes, sans doute depuis un certain temps, car elle en était trempée. Elle écoutait des morceaux graves, dramatiques, à deux temps. Sans aucun doute des marches funèbres. Je me précipitai vers elle, et m'assis à sa gauche. Après quelques secondes d'hésitation, je lui pris la main. Elle était moite et glaciale, mais je ne m'en préoccupai pas. Elle se calma un peu, au bout de quelques minutes.

- Ça fait plusieurs jours que je ne cesse de pleurer, me confia-t-elle. J'ai l'impression que je ne vis que pour mourir... C'est affreux. Chaque matin, à mon réveil, je me demande ce que je fais encore là, et... tout est sombre. Je n'arrive plus à apprécier la beauté des choses, je ne parviens plus à voir le positif des choses... ! Tout est si terne... ! Mon monde, autant intérieur qu'extérieur, n'est que tous les jours le même. Je me sens emprisonnée, comme si on m'avait déjà enterrée avant même que je sois morte. Je ne peux pas sortir, le seul paysage auquel je suis confrontée chaque jour est cet endroit... Je ne suis plus sereine à l'intérieur. Je me sens comme séquestrée dans un endroit où à défaut de me soigner, on me surveille pour me dire quand j'en aurai fini... !

Je ne sus quoi répondre, donc je privilégiai les gestes aux mots, et la pris dans mes bras. Elle resserra mon étreinte, si fort que j'en eus des difficultés à respirer.

- Tu sais... me murmura-t-elle, je suis contente que Lise ait brisé sa promesse pour que je te rencontre. Sans toi... je pense que j'aurais avalé d'une traite tous mes anti-dépresseurs.

- Arrête... pitié.

Quelques secondes plus tard, elle reprit :

- Elio... j'ai fini. J'ai fini mon dernier morceau.

Je lui souris, et la félicitai.

- Bravo ! J'ai hâte de le jouer ! Je suis sûr qu'il est magnifique.

Elle me remercia.

- Mais maintenant... Je n'ai plus d'objectif. Plus de raison de vivre... je... je pense qu'il ne sert plus à rien d'attendre... et... je ne veux plus vivre. J'ai perdu le goût de tout ce qui me plaisait auparavant, presque plus rien ne m'attache à ce monde.

- Fais ton possible pour tenir encore un peu, je t'en supplie... !

- Pour que faire... ?

- Pour nous. Il doit bien te rester des choses auxquelles tu tiens, non ?

- Je serai obligée de m'en séparer dans tous les cas...

- Mais j'aimerais tout de même que tu leur accordes encore quelques instants d'importance... Enfin... je ne sais pas vraiment à quel degré tu tiens à moi, mais si je fais partie des quelques éléments qui ont encore de l'importance pour toi... J'aimerais vivre encore quelques jours en ta compagnie. Harmonie... quand tu veux offrir des fleurs à quelqu'un... abandonnes-tu au dernier moment parce que tu sais que ces fleurs vont fâner ? Vas-tu priver quelqu'un d'un plaisir éphémère simplement parce que tu te dis qu'il aura une fin ? Vas-tu nous priver de la magnifique fleur que tu es, car tu es fixée sur l'idée qu'elle sera flétrie dans peu de temps ?

Le Chant du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant