Chapitre douzième

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Il me semble que c'était la première fois, depuis que j'étais arrivée, que j'étais d'aussi bonne humeur. Tandis que les quatre ou cinq matinées précédentes eussent pu être résumées à de véritables torrents de larmes, je ressentais ce jour-là un certain enthousiasme mêlé d'excitation. Une certaine mélancolie également, mais que je comptais bien oublier pendant toute la durée de cette journée qui s'annonçait merveilleuse. Vivement que Lise et Elio arrivent !

Ces derniers ne se firent pas beaucoup attendre. Il était à peine quatorze heures lorsqu'ils apparurent à ma porte. J'allai leur ouvrir, impatiente de leur annoncer la bonne nouvelle, puis m'arrêtai net. Dans les mains de ma meilleure amie se trouvait un petit cadeau joliment emballé, avec un ruban blanc, auquel je ne m'attendais absolument pas.

- Euh, ce n'est pas mon anniversaire, aujourd'hui !

- Ce n'est pas que pour les anniversaires qu'on offre des cadeaux ! s'exclama Lise. Et puis, on a tout de même mis un certain temps à le préparer !

- Oh ! C'est un cadeau collectif ?

- Bien sûr ! Un cadeau plus que collectif, même !

- Je me demande ce que c'est...

- Ne te pose pas de questions et ouvre !

Curieuse, je pris le paquet qu'elle me tendait et défis délicatement le nœud du ruban. Je fus étonnée de voir se dessiner la forme d'un boîtier de CD. Une fois entièrement déballé, je le regardai avec attention, mais ne réalisai pas tout de suite de quoi il s'agissait. Puis, en regardant au dos le nombre de titres, et surtout leur nom, je compris. Et à la seconde où mon cerveau comprit, mes glandes lacrymales comprirent aussi, et exprimèrent leur compréhension en faisant ruisseler le long de mes joues deux petites larmes. A cette vue, ma meilleure amie vint me serrer dans ses bras.

- Merci, lui soufflai-je entre deux sanglots.

- Mais de rien ! Tu ne pouvais pas quitter cette Terre sans avoir touché le moindre CD de tes compositions, tout de même !

- Merci encore... Je l'écouterai ce soir !

Après ce moment émotionnel, je tentai de me calmer pendant environ une minute, puis je cherchai mes mots pour leur annoncer, triomphante :

- Après les avoir suppliés avec toute mon âme, les médecins m'ont enfin accordé une journée de sortie !

Je pus d'abord lire dans leurs visages une expression de stupéfaction extrême, puis de joie intense.

- C'est vrai ?! poussa Elio. Quand ?!

- Aujourd'hui ! Si vous voulez, évidemment. Mais je peux décaler, bien entendu.

- Je ne vois aucune raison de décaler, réfléchit mon amie. Donc, on attend quoi ?

Comme nous n'attendions rien, nous dévalâmes les escaliers, et nous précipitâmes à l'extérieur. Je ne fus que trop heureuse de voir l'extérieur à nouveau, et surtout ce parc qui m'avait tant manqué. Dès que j'y entrai, je me remémorai les nombreux souvenirs d'après-midis de mon enfance pendant lesquelles j'allais jouer avec mon amie, ou juste contempler les cygnes sur le lac. C'est d'ailleurs le premier endroit auquel je courus, et devant lequel je m'assis immédiatement. Je respirai une grande bouffée d'air frais, et attendis que mes amis me rejoignent.

- Toujours aussi magnifiques, ces cygnes ! m'exclamai-je, le sourire aux lèvres. Ils m'avaient manqué ! Les arbres aussi, m'avaient manqué. Et je ne parle pas de l'air extérieur et du vent ! Ni de l'herbe, et du lac, et du ciel, et des nuages, et... de tout ! De tout, sauf ces satanées voitures et leur fumée suffocante ! Mais nous sommes loin d'elles, donc pas de raison d'en parler. Oh ! Mais surtout ces cygnes ! C'est seulement maintenant que je me demande comment j'ai bien pu vivre un mois entier sans aller les voir !

Le Chant du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant