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Jasmine est partie en vacances chez des amies du lycée. Selim est donc seul avec ses parents, pendant deux semaines. Il jongle entre le travail et les sorties au bar avec sa bande de potes. Pas de Coline à l'horizon, il n'a pas osé la recontacter ces dix derniers jours. Isidore non plus, par appréhension.

Depuis quelques soirs, les dîners se résument à des visionnages de télé. Personne ne parle. Le silence est seulement interrompu occasionnellement par la toux de son père.

D'ailleurs, cette toux l'effraie. Elle s'empire de jour en jour. Imposante, elle s'espace moins ces dernières 48 heures. Le pire, c'est quand son père doit quitter la table pour prendre l'air, toussant loin des deux autres membres. Parfois il doit s'enfermer dans les toilettes, pris par des spasmes terrifiants. Il ne dort quasiment plus.

— On devrait aller à l'hôpital, déclare un soir sa mère.

— C'est qu'une toux non ? Rien de grave. Papa a dû attraper froid, tente de se persuader Selim.

Mais la dernière rechute avait débuté de la même façon. Et la manière dont sa mère le regarde efface tous ses espoirs.

Le lendemain matin, la famille Mesli a refait un trajet qu'ils connaissent par cœur. Cette route, puis ce rond-point, avant de tourner à droite. Là, il y a toujours cette maison verte dans l'angle, près du panneau où est marqué « hôpital ». Enfin, la dernière montée et le grand bâtiment blanc.

Il y a eu la bronchoscopie, la biopsie, le froncement de sourcils du médecin que Selim repère toujours nettement. Il y a eu les larmes de sa mère l'après-midi, des discussions avec le père sans que Selim puisse entendre quoi que ce soit. Il y a eu la répétition des mêmes mots techniques ensuite, quand sa mère a appelé Jasmine et les autres frères : « récidive », qualifications incompréhensibles sur les cellules. Un nouveau mot aussi : « métastases » avec une nouvelle zone.

— Je comprends pas, tout allait bien maman.

— Je sais mon cœur, je sais, dit-elle en lui caressant les cheveux.

En rentrant le soir chez eux, son père s'est enfermé dans sa chambre, devant préparer des affaires pour séjourner à l'hôpital. Sa mère a dû rester au téléphone avec les autres membres de la famille.

Selim n'a pas osé toquer à la porte de leur chambre, en proie à un mal-être terrifiant.

À la place, il est sorti courir.

Et à 2 heures du matin, tout essoufflé, il s'est arrêté devant chez Coline.

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant