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—   Tu sais, ça se voit que t'es déprimé. Tout à l'heure, quand on est arrivé sur la plage, j'ai cru que t'allais chialer, lance Léonard.

— Ouais, c'est pas faux, répond simplement Selim.

Les deux autres sont partis pisser. Et Léo' semble profiter de ce moment pour interroger le brun.

—   Pourquoi ? Si c'est pas trop indiscret.

Selim regarde cet ami qui vient de conduire trois heures pour qu'il passe des vacances avec lui. Ça l'a touché, au fond. Léonard est quelqu'un de génial.

—   Si je te le dis, tu vas déprimer aussi.

C'est aussi pour ça que Selim n'en a jamais parlé à ses amis de la prépa. Ça enlèverait de leur simplicité peut-être ? Il a peur d'alourdir leurs amitiés avec ses problèmes. Pour Selim, il y a toujours eu un charme à ces liens déconnectés de ses peurs et maux. Il n'a jamais envisagé Léonard comme un confident, mais bien plutôt comme un acolyte de conneries, quelqu'un avec qui il pourra toujours rigoler, quelqu'un sur qui compter.

—   Moi je pense que si tu me dis, je vais moins te faire déprimer.

—   Tu sais pas réconforter les gens, rappelle Selim en rigolant.

—   OK, j'avoue, mais j'apprends.

Selim hésite puis confesse :

—   Mon père est en train de mourir d'un cancer qu'il combat depuis des années.

À chaque fois que Selim l'annonce à quelqu'un, il y a toujours quelque chose qui s'éteint dans le regard de l'interlocuteur. Il repère à chaque fois une tristesse violente qui les pousse à dire « désolé » ou « comment tu te sens ? ».

Léonard, foncièrement maladroit, reste estomaqué avant de lâcher :

—   Ah ouais putain, ça craint.

On ne le lui avait jamais fait ce coup-là. « Ça craint. » Selim trouve ça tellement déplacé qu'il éclate de rire. Il ne lui en veut même pas. C'est sa façon de dire « je suis désolé pour toi ».

—   Je comprends pourquoi t'es déprimé, débute-t-il, les autres savent ?

Selim fait « non » de la tête.

—   OK, promis, je le répéterai pas. Par contre, mec, je sais ce qui peut te faire du bien.

Le brun fronce des sourcils lorsqu'il voit son ami enlever son haut.

—   Bain de minuit !

Selim est d'abord réticent à la proposition mais les deux autres arrivent pile à cet instant. D'emblée partants, ils se déshabillent aussi. Le dernier de la bande se laisse entraîner dans le mouvement. Sur la plage, à quatre, ils enlèvent leurs bas. Fesses à l'air, dans le noir, Léonard ordonne aux quatre de prendre de l'élan.

Selim obéit. Il recule, prend une longue inspiration avant de foncer avec ses trois amis.

L'eau est glacée. Mais les membres de son corps épousent les ondulations des vagues. Il faut un temps pour que Selim réalise qu'il nage à minuit.

—   En avant toute !

Ils nagent à quatre jusqu'à ce qu'ils n'aient plus pied. Là, Selim arrête de se demander s'il est prudent de faire comme ses amis. Il nage, tête la première, la fraîcheur de l'eau lui brûlant les joues. Il rit, le sel dans les yeux, les poumons en feu. Au milieu de nulle part, Louis crie de joie, rompant avec le silence abyssal de la nuit. Tous se débattent dans l'eau pour flotter, jusqu'à ce que la mer se calme, et qu'il ne reste plus que quatre silhouettes, brûlées par la vie.

—   J'ai faim ! hurle Abel.

Les trois rient en chœur. Léonard avoue qu'il doit s'écarter pour pisser. Selim, de son côté, contemple la voûte du ciel : il repère la voie lactée, la grande ourse, la petite ourse, Cassiopée, le dragon en s'aidant de la grande casserole. L'architecture du ciel l'intimide, les étoiles le surplombant avec toute leur beauté. On ne peut que se sentir petit, fragile, humain.

—   Une étoile filante ! s'époumone-t-il alors, en en voyant une défiler dans le ciel.

—   T'es trop cliché, se moque Léonard.

Selim s'en fiche, il fait un vœu.

Ne plus avoir peur de la mort.

—   On rentre ? Je caille.

Les quatre s'accordent pour repartir. Selim se met sur le dos pour nager jusqu'au sable. Il fait de grands gestes tout en observant le ciel. Il aimerait croiser autant d'étoiles filantes que le nombre de ses peurs. Il aimerait nager jusqu'à en perdre haleine. Il aimerait que son vœu se réalise.

Quand ils arrivent sur la plage, Léonard court chercher les serviettes. Tous frigorifiés, ils remettent leurs caleçons remplis de sable. Ils rient, tout en claquant des dents.

Plus tard, dans la voiture, Selim réalise qu'il n'oubliera jamais cette excursion. De la marche, de la plage, des rochers, de la mer, des moments d'infinité dans lesquels il a eu l'impression de plonger.

—   Merci les gars, chuchote-t-il, assis au siège avant.

Puis, il remercie la vie, à l'infini.











*


nda:

attention aux quatre posts! 27, 28, 29, 30

j'avoue beaucoup appréciee ce jeudi à la mer de la bande d'amis de Selim; very precious

désolée pour l'absence de publications début août, j'étais en vacances avec des amis. je repars avec ma famille du 23 au 26 août, d'où une publication plus intense ce samedi. on se retrouve après!

n'hésitez pas à me donner votre avis sur l'histoire, Mince compte énormément pour moi haha.

big luv, elo

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant