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Selim ne respire pas la joie quand il rentre chez lui. Il est même épuisé par les événements de la journée : ses amis un peu lourds qui viennent squatter le café, le sourire de Coline après qu'elle est repartie et la sensation d'avoir été lâche... n'ayant rien dit d'autre qu'un « Je bosse ici cet été » moisi.

Après avoir enlevé ses chaussures à l'entrée, le jeune homme tape un sprint vers son lit. Il se vautre dans son matelas, appréciant la couette bien uniformément étalée sous lui.

« Petit con », se marmonne-t-il à lui-même.

Il s'étouffe légèrement, reprend de l'air en se retournant. Selim se permet alors de réfléchir à ce qu'il va faire s'il la recroise. Lui proposer un café pour rattraper le temps perdu ? Sourire de manière gêné et faire comme si de rien n'était ? Rabibocher une amitié vague qu'il n'a jamais vraiment oubliée ?

Il n'arrive même pas à comprendre pourquoi il est aussi troublé.

C'est juste une ancienne pote du lycée ! Selim se dit qu'il a vingt ans et demi aujourd'hui... Ça date ses amitiés de quand il avait dix-huit piges. Vingt ans !!!!! Le brun se redresse en sursaut. Pourquoi est-ce qu'il est encore surpris par son propre âge ?

Ah oui, peut-être parce qu'il n'a pas eu vraiment l'impression d'avoir vécu pleinement ses dernières années. C'était aussi éprouvant que sidérant de faire des aller-retours à l'hôpital, espérer que son père aille mieux, malgré toutes ses rechutes dangereuses. Il se remémore le nombre de fois où il s'est enfermé dans sa chambre pour éviter d'entendre les voix brisées de sa sœur ou de sa mère. Il se souvient du stress de la prépa, de sa concentration sur les cours, de son soulagement aux résultats des concours. Deux ans et demi où tout son environnement l'a avalé, absorbé, fatigué.

Mais tout ça l'a bien enrichi. Selim se croyait grandi.

Toutefois, il ne lui faut qu'un simple rappel du passé pour lui donner l'impression d'être paumé, de ne pas être exactement au point avec sa personnalité. Il s'est senti projeter dans un lui adolescent, mal dans sa peau.

Le brun s'en veut, parce qu'avant même de penser à blaguer avec Isidore sur le hasard de cette rencontre, il s'est spontanément répété pendant son service : Elle est jolie. Sa voix m'a manqué. Qui c'est ? C'est vraiment Coline ?

Ça l'énerve d'être encore aussi égoïste vis-à-vis de ses ressentis. Il ferme les yeux puis se chuchote intérieurement : La honte, Selim.

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant