Mince

28

Lorsque Selim marche sur le sentier côtier avec ses trois amis, il ne peut s'empêcher de se mettre en dernier de la file. Ses pas sont plus lents et prudents, le jeune homme étant attentif à là où il pose ses pieds.

Devant lui, le rythme rapide et le pas assuré de ses amis le surprennent. Comment font-ils ? Est-ce qu'il n'y a que Selim qui est effrayé par l'idée d'une chute. Il n'a qu'à glisser pour basculer vers la droite, tomber d'une falaise et atterrir dans l'eau. Comme toujours, Selim imagine le pire. Il se dit que cette pensée ne doit même pas traverser les esprits de ses amis.

— Dites les gars, c'est quoi le plus beau souvenir de votre enfance ? lance Abel, en voulant lancer une discussion plus profonde.

C'est Louis qui lui ordonne de fermer le clapet.

— Mec on marche, et quand on marche on pense à tout et à rien. On vide l'esprit, donc non je ne vais pas te raconter les anecdotes de mon enfance, explique calmement le blond.

Abel, qui aurait pu se vexer, n'a pas l'air de mal le prendre. Il se contente d'acquiescer, convaincu par les arguments de son ami.

Selim de son côté, marche en silence. Comme Louis le dit si bien, il ne pense à rien, à part là où il pose ses pieds. Il ne peut se concentrer sur autre chose. C'est presque agréable comme sensation : il n'y a rien d'autre sur quoi s'épancher.

À 21 heures, les amis découvrent une plage abritée. Comme une petite crique, se dit Selim. L'eau rougeoie avec le coucher de soleil. Les couleurs tantôt vives, tantôt douces se confondent et se reflètent sur la mer. Ce paysage leur coupe le souffle et le bruit des vagues les enveloppe doucement. Le calme est environnant. Tout est sublime dans cet instant.

Personne n'ose dire quoi que ce soit.

Si pendant la marche, Selim n'a pensé à rien. Dans cette expérience simple et si belle, il se permet de relâcher tout, d'un coup.

Selim fixe ce soleil coupé par l'horizon. Il est aussi réconfortant que mélancolique, à son image, sûrement.

Puis, il se murmure intérieurement : 

Papa va mourir. 

J'ai envie de l'amener ici. 

J'ai envie de vivre des moments pareils avec lui.

Le brun sait que son père ne va pas s'en sortir cette fois-ci. Dans le regard du médecin à qui il demande des nouvelles à chaque visite, il ne voit que du découragement. Même son père ne semble plus prêt à se battre pour vivre. Il s'affaiblit alors qu'il vient à peine de s'installer dans sa chambre d'hôpital. Tout tangue.

Selim aimerait infiniment qu'il vive.

Mais il s'avoue, ce soir, qu'il doit se préparer à le voir mourir.