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Il ne le reconnaît pas tout de suite. En même temps, le flash de l'appareil photo l'a vraiment aveuglé brusquement. Selim, totalement essoufflé, fixe la personne qui se tient en face de lui.

- Alors là, je pensais pas du tout te croiser ici, lâche Anatole en rangeant son appareil photo.

Les deux jeunes hommes s'inspectent, légèrement sonnés par l'incongruité de la situation.

- Je courrais.

- À cette heure ?

Selim lit l'heure sur sa montre. 1 heure 37, ça va... Il se tourne alors vers l'autre brun, pour lui retourner la question.

- Et toi, qu'est-ce que tu fais ici à cette heure ?

Anatole lui montre son appareil, comme si c'était évident.

- Je fais une série de photos nocturnes près de chez moi. Et pour faire une pierre deux coups, je teste mon nouveau flash que j'ai trouvé en occas'.

Étonnement, Selim ne se sent pas mal à l'aise comme l'autre fois, en sortant de soirée. Cette nuit, il a réussi à vider tellement de pensées en courant qu'il ne se laisse bloquer par aucun préjugé. Anatole, dont il n'a jamais été proche pour des raisons évidentes, se comporte sympathiquement avec lui ce soir.

- Je sais pas si le destin me joue des mauvais tours, mais je fais que recroiser des gens qui datent du lycée, avoue Selim avec un sourire nerveux.

- Tu parles de Coline, Isi', Angèle et moi ?

- Ouais, on dirait un piège qu'on me tend. À part Isidore que je voyais déjà. Mais là... je... Bref, je sais plus ce que je dis, je vais te laisser.

Anatole, concentré, écoute le brun en hochant la tête lentement.

- Tu veux bien poser pour une photo ? J'aimerais bien immortaliser ce hasard de la vie.

Selim rit.

- Y a pas de hasard dans la vie.

Il se laisse prendre en photo près du lampadaire, en sueur. Pour ne pas attraper froid, Selim remet ensuite son sweat. Même en été, il peut faire frisquet la nuit.

- Alors comme ça, toi tu crois au destin ?

Selim acquiesce. Enfin, son père lui a transmis cette vision de l'existence depuis tout petit.

- Mais c'est un destin qu'on ne connaît pas. Et ça sert à rien de chercher à le maîtriser ou le dompter. On fait juste avec, on vit avec la fatalité. Par contre, on n'est pas passif, on reste actif dans notre vie, on s'accommode juste du destin. Selon moi, y a pas de petites coïncidences, de hasard. Si on se base sur les probabilités, c'est risible qu'on se croise par exemple ce soir. Parfois, y a des choses qui ne s'expliquent pas, qu'on ne contrôle pas. Mais je suis pas sûr d'y croire parfois.

- Intéressant, se contente-t-il de répondre, en reprenant une photo.

- Je parle trop ce soir.

- T'as envie de parler, ça s'entend. En plus t'es tout livide mec, on sent que y a quelque chose qui te pèse.

Selim soupire, ouais, il doit clairement ne pas péter la forme. Il examine cet Anatole nonchalant, à l'aise, qui fait tout comme bon lui semble. Il comprend pourquoi le brun est souvent considéré comme une personnalité magnétique, populaire et franchement cool. Il a l'air chill, stylé et légèrement intimidant. Tout son contraire ? Non, il n'irait pas jusqu'à là, mais quand même, ils ne se ressemblent pas.

- Tu veux te confier ?

La question le surprend.

- Je croyais que tu me détestais en général. Je vais pas te parler... fin, c'est... gênant.

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant