12

1.6K 244 18
                                    


Ils se sont donnés rendez-vous à l'Attirail le lendemain. Jeudi, 17h, jour de congé, Selim s'étire longuement dans la rue. Comme l'autre fois, Isidore arrive avec un bob. Des cernes immenses creusent son visage, comme s'il n'avait pas dormi depuis... longtemps. Le brun s'inquiète, se rappelant des problèmes d'insomnie du blond.

- T'as une sale tronche, commente Selim sans gêne.

Isi' soupire en enlevant son chapeau. Il commande par la suite une pinte de Kro, comme d'habitude. Le brun lui, de son côté, opte pour un Coca accompagné d'une fine tranche de citron vert. Pas d'alcool aujourd'hui, moment détox de la semaine.

- Alors, raconte.

Le message lui avait fait peur. Selim s'est d'abord dit qu'Isidore exagérait, mais pour qu'il lui en parle, c'est que ça le pesait. Il sait très bien que les deux se sont rapprochés avec le temps, mais il n'aurait pas cru à une confidence pareille de sa part. Toutefois Selim ne laisse rien échapper de sa surprise, préférant plutôt installer un climat de confiance et d'assurance.

- Je t'ai pas dit la vérité l'autre fois... quand je disais que ça se passait super bien Co' et moi.

Le blond se gratte la nuque, tête baissé, yeux fuyants. Il est extrêmement gêné. Pour le rassurer Selim lui tapote l'épaule et l'encourage à se redresser.

- Hé, Isi', tu me dis ce que tu veux. Te force pas.

Isidore grimace un sourire. Il se reprend d'un coup, l'air plus confiant mais véritablement crevé.

- Écoute, fréro, je vais sûrement me faire larguer. Enfin, c'est un pressentiment... et tu sais comme je marche à l'instinct. Elle s'est vraiment distancée depuis... quelques mois, même quand on se voit, elle est souvent irritée par un rien. Je crois qu'elle s'est fatiguée de moi. Peut-être pas lassée, mais vraiment épuisée tu vois ? Comme si j'étais un gosse qu'elle devait traîner partout derrière elle. Après, c'est ma faute si le fossé entre nous deux fait que se creuser.

- Quel fossé ?

- Je sais pas. La maturité ? Elle me parle d'appartement, de son futur master à Bordeaux à la rentrée, de l'avenir à fond. Co', elle se projette mais elle sent que je suis à la traîne. Moi j'ai encore juste envie... de faire la fête, de passer du temps dehors, vivre ma vie pépouze quoi. Pas de prise de tête. Et puis je vais prendre une année sabbatique, voyager, vivre un peu dans la dèche. Pas Bordeaux, tu vois. J'ai envie... de ouais, j'en sais rien.

Selim observe Isidore se tourner les pouces, en proie à énormément de doutes. Il ne connaissait pas cette facette de lui, cet explorateur intuitif qui n'attend qu'aventures et moments fun.

- Tu m'as l'air plutôt convaincu de ce que tu veux, même quand t'hésites, remarque le brun.

La pinte de Kro et le coca arrivent. Les deux doivent payer leurs consommations directement. Entre-temps, Selim réfléchit à cette situation. Il a l'habitude de devoir jouer le psy, faire le pont tout en éclairant les autres. On s'adresse souvent à lui depuis toujours pour les conseils de ce type, sans raison particulière. Peut-être que le monde sent l'empathie énorme qui déborde toujours de lui.

- Je sais juste que j'ai vingt et un piges et je suis pas prêt pour... tout ça. Le full pack. La vie des grands, tu comprends ?

Selim acquiesce.

- Mais voilà, ça craint si elle me largue. Parce que, ça fait 3 ans que je suis collé à elle, je la suis tout le temps, un peu ma raison d'exister tu vois. Mais, elle, elle se décolle, elle... grandit ? Et moi, bah, je sais pas, je saurai pas trop vivre ma vie sans elle pour l'instant. Elle dicte nos projets à deux. Mais je veux surtout pas me mentir à moi-même. Coline, c'est la fille la plus stable que je connaisse, c'est mon ancre. Putain, c'est niais, mais t'as capté...

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant