En rentrant, cet après-midi, Selim ne s'attendait pas à croiser les regards peinés de ses deux frères. Une demi-heure plus tôt, sa sœur est rentrée de vacances, ayant raccourci son été. De leurs côtés, Soan et Noham se sont empressés de revenir. Tous les quatre dans le salon, les frères et sœurs se jaugent en silence, incapables de briser la glace.C'est Jasmine qui craque en premier. Elle pleure à chaudes larmes dans les bras de l'aîné Noham.
— Il est pas encore mort, reproche Soan, le deuxième frère.
— Laisse-la pleurer, rétorque alors Selim pour prendre sa défense.
L'atmosphère est pesante. Selim n'apprécie pas spécialement cette réunion de famille. Mais il n'a qu'eux. Clairement, le jeune homme ne se sent pas prêt à s'enfermer dans sa chambre, seul. Il a besoin de cet entourage, même terni par la douleur.
— Vous êtes tous là... lance son père en sortant de sa chambre.
Il tousse deux bonnes minutes avant de s'arrêter, rendant tout le monde plus lucide sur sa condition. Le cœur du brun se serre.
— Selim, t'es rentré, c'était pas trop tôt, gronde son père.
Le cadet des frères n'ose à peine soutenir son regard. C'est le moment que choisit leur mère pour sortir de la chambre, les affaires de prêtes. Noham, qui a toujours su quoi dire et quoi faire dans la famille, se lève pour aider ses parents.
C'est censé être un moment de famille inoubliable, tous réunis dans la pièce à vivre de la maison. Tous ensemble, pour accompagner leur père dans son prochain combat. Or, tous semblent endoloris et épuisés par les précédents. Recommencer à se battre, une troisième fois, semble insurmontable.
C'est peut-être la dernière fois, qu'on est tous réuni là, se murmure intérieurement le brun, avant de se maudire pour avoir pensé cela.
Selim prend la main de sa petite sœur. Soan raconte une anecdote sur son travail, puis s'abstient de donner les détails. Noham donne des nouvelles du bébé, avant de lancer :
— Et si on allait voir le potager 'pa?
Selim aurait voulu avoir cette idée. Les yeux du père brillent soudainement. Et le brun sent la distance se creuser un peu plus entre sa famille et lui. Comme si, tout le monde comprenait quoi faire et quoi dire pour rassurer le malade, alors que lui, n'a fait que fuir la veille au soir. Encore, il déçoit son père.
Tous font le tour du potager, admirant les légumes dorés du soleil. Son père croque même dans une tomate, en souriant, malgré sa toux. Il se tache légèrement, ce qui fait rire les frères et sœurs en chœur. La mère nettoie le polo en esquissant un sourire contrit.
— Si Dieu le veut bien, je reviendrai ici en bonne santé, annonce le père.
— On priera pour toi papa, répond Jasmine.
Selim est le seul des enfants à avoir arrêté le ramadan, prié, à pratiquer tout court comme le fait leur père. De nouveau, il se sent à l'écart, incompris, comme un imposteur. La colère se mêle à la tristesse : personne ne semble remarquer qu'il se sent seul avec sa propre famille, là, à cet instant précis.
Noham arrose une des plantes, sous l'œil bienveillant du père. Soan divertit la mère, tandis que Jasmine serre son père dans les bras. Il ne reste plus que Selim dans un coin, la tête levée vers le soleil. C'est doux. Les rayons lui caressent la peau, l'apaisent suffisamment pour qu'il ne pleure pas devant ses parents, ses frères et sa petite sœur.
Puis, sans prévenir, son père se tourne vers lui.
— Tout ceci, c'est grâce à toi, Selim. Mon potager, je te le re-confie.
Un silence entoure instantanément l'espace.
Ça sonnait comme un « merci ; Selim » et un « je te fais confiance mon fils ». Les yeux disent même plus que les mots.
Tous lui sourient. Papa, maman, Noham, Soan et Jasmine.
Et Selim, les yeux rivés sur sa famille, finit par pleurer d'un amour détonnant.
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Mince
Teen FictionUn été comme un autre : petit boulot, amitiés, amours ensoleillés. Pourtant Selim, jeune adulte sensible et enthousiaste, se retrouve coincé dans sa ville natale. Il se prépare à réaccueillir dans la maison familiale un être absent, son père, tout j...