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Selim aide sa mère à cuisiner ce midi, malgré sa lenteur extrême et ses difficultés à se concentrer. Sa mère a insisté pour faire une spécialité japonaise familiale qu'on lui cuisinait toujours au Japon. Le père de Selim, fils d'un immigré algérien, en raffole. Et puis... toute la maison s'active pour lui faire plaisir.

Les deux grands frères sont rentrés à la maison exprès pour l'occasion, parlent de leurs nouveaux boulots ou appart'. Jasmine est sur son portable. Selim, lui, préfère rester en arrière-plan, se revigorant des simples éclats de rire de sa famille réunie.

- T'es tout pâle mon chéri, remarque sa mère en japonais.

Selim essaie de la rassurer. Elle lui propose alors de préparer un bouillon pour le nettoyer un peu de l'intérieur. Le brun rit tout en acceptant la gentille proposition.

Dans la salle à manger où il installe les couverts, Selim réalise qu'il aimerait bien partager ce moment avec quelqu'un par message. Mais qui ? Il ne parle jamais de sa famille à ses amis. Les derniers au courant datent du lycée... Toutes ces personnes ont compté pour lui... mais c'est Selim qui a coupé les ponts, au moment même où son père a fait une rechute catastrophique. Entre la prépa et le découragement, Selim a broyé du noir si longtemps...

Aujourd'hui, il n'a que trois noms dans ses contacts qui connaissent cette part d'ombre de sa vie. Isidore, devenu son pseudo frère depuis un mariage entre leurs deux familles. Mais Isi' est déjà au courant et ils ne parlent jamais de ce sujet. Deux autres noms s'affichent quand Selim fait défiler la page. Angèle, une ex qui ne veut plus lui reparler depuis toutes ses conneries d'il y a deux ans. Et... Co', mais ça fait trop longtemps.

Il hésite, puis se remémore d'un vague souvenir de fin de lycée, d'une discussion touchante qu'ils avaient eu. C'était l'époque d'une probable première rémission. Coline lui avait assuré qu'elle serait à l'écoute, s'il avait besoin.

Mais deux ans se sont écoulés. Leur amitié s'est paumée. Elle lui en veut aussi pour avoir blessé Angèle. Et Selim sait très bien qu'il était biaisé dans l'interprétation de tout ce que la blonde lui disait. Il se souvient d'avoir été amoureux d'elle, risiblement. Ce serait trop bizarre de la contacter maintenant. Qu'est-ce qu'elle devient, d'ailleurs ?

Alors, en ouvrant les notes de son portable, Selim marque deux petites phrases pour se défouler. En les relisant, il a envie de se moquer de lui-même :

« J'ai repensé au lycée et à la première année de prépa, ça date...

J'ai eu envie de dire à Coline que papa allait de nouveau bien. »

MinceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant