Atalante se tournait et se retournait sur le sable de la plage. La précédente nuit l'avait laissée courbaturée et cela n'était pas allé en s'améliorant durant la journée, pourtant, ce n'était pas son mal de dos qui la maintenait éveillée ce soir-là.
Des hurlements torturés lui vrillaient les tympans.
Elle roula en boule au-dessus de sa tête le vieux chandail qui lui servait d'oreiller et s'enfouit sous sa couverture. Rien n'y fit : les cris étaient tels que rien ne parvenaient à les étouffer. Parfois, ils s'arrêtaient de longues minutes avant de reprendre sans interruption. A force de remuer, elle finit par mettre du sable partout dans ses vêtements et il commença à la gratter affreusement. Mille horizons ! Voilà pourquoi elle détestait les nuits à la belle étoile sur la plage. Et ces cris, par Adonis... Le genre à vous glacer le sang et à remuer vos plus atroces souvenirs.
N'y tenant plus, elle envoya valser sa couverture et se redressa sur ses jambes. Elle n'arriverait pas à dormir tant que ces hurlements perdureraient. Elle étira ses membres courbaturés, bailla, mais la nonchalance de ses mouvements ne parvenait pas à occulter sa nervosité.
Son regard enveloppa leur campement. Autour d'elle, l'équipage du sous-marin l'Evasion désespérée s'était installé pour la nuit. Sans surprise, tous ne parvenaient pas non plus à dormir, tourmentés eux aussi par ces cris. La plupart des marins restait donc assis, recroquevillés dans un coin à chuchoter à voix basse, un groupe de femmes avait même tenté de lancer une partie de tarot pour essayer d'ignorer ces plaintes désespérées. Ils jetaient tous des regards vers le haut de la falaise d'où provenaient les hurlements.
Les fantômes de la lande ainsi que ceux des marins ayant péris en mer hantaient la nuit. Ils faisaient frissonner ces grands gaillards et ces guerrières comme des enfants. Les superstitions avaient la vie dure parmi les gens de la côte, mais si Atalante s'était toujours targuée d'y être insensible, ces hurlements n'étaient pas loin de la faire se dédire. Elle plaqua ses bras contre elle, puis s'aperçut alors qu'elle avait la chair de poule sans que cela ait quoi que ce soit à voir avec la fraîcheur de la nuit.
La jeune femme remonta la plage entre les couchettes des marins quand les cris s'arrêtèrent à nouveau. A présent, elle n'osait pas rompre cet étrange calme tendu où bruissaient seulement le souffle d'un vent de terre, le clapotis des vagues et les chuchotements de l'équipage. Devant elle, la haute silhouette de leur sous-marin au large ressemblaient à un gigantesque monstre des abîmes attendant leur retour en mer pour les avaler. La jeune femme se passa sa main sur le visage, puis quand elle rouvrit les yeux, l'Evasion désespérée avait à nouveau repris sa forme habituelle. Sa cuirasse couleur de fonte était allongée, sanglée par des arches métalliques qui l'enserraient. Des caisses d'assiette à l'avant et à l'arrière assuraient l'équilibre de l'engin, tandis que les hélice qui le propulsaient étaient rassemblés à l'arrière comme une étrange queue de monstre marin. A l'extrémité, la tête de l'engin était composé d'un gigantesque globe aux vitres jaunes, suffisamment épaisses pour résister à la pression des profondeurs, là se trouvait le poste de commandement et de pilotage. En tant que seconde, c'était là qu'elle passait le plus clair de son temps lorsqu'ils étaient en plongée.
Elle inspira un grand coup. Par Adonis, cette atmosphère de cauchemar lui montait à la tête.
Ses pieds s'enfonçaient dans le sable humide alors qu'elle progressait dans les ténèbres. Elle s'éloigna du camp pour se diriger vers un petit feu de bois à l'écart du campement. Sa lumière orangée projetait des ombres inquiétantes autour des yeux des deux officiers assis autour du foyer. Pourtant, plus Atalante s'approchait d'eux, plus leur visage paraissait plus fatigué qu'effrayant.
- Vous'arrivez pas non plus à dormir ? Les interpella-t-elle, avant de se laisser tomber en tailleur entre eux.
- G'néralité pertinente..., railla Zéloth, le maître-timonier, en étouffant un bâillement.
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En un tour de cadran
ParanormalLa Famille Stanhope n'est plus que l'ombre d'elle-même. Exilée dans le royaume de Blanchecombe et menacée de mort, elle vit dans le vain espoir de retrouver son âge d'or. Sa seule richesse : une énigmatique montre qui n'indique pas l'heure, mais qui...