Chapitre 16. Changement de propriétaire [2/2]

13 4 0
                                    

Leur petite randonnée leur prit moins de temps que prévu : guidée par des bandits qui connaissaient bien les alentours, leur prisonnière réalisa qu'elle ainsi que la combienne n'étaient pas du tout allées droit et avaient perdu beaucoup de temps en détours inutiles.

Ils furent donc rapidement de retour dans le dédale de calcaire et quelques heures après, dans le repère des trois bandits, c'est-à-dire un cul-de-sac réaménagé avec des pièces de récupération et d'objets disparates, volées à droite et à gauche. Des caisses à moitié ouvertes s'entassaient dans un coin, un petit coffret était soigneusement entortillé de chaînes et des piles de bûches pour alimenter le foyer étaient posées juste à côté. Une espèce de grande bâche couvrait le tout, maintenu en place par des cordages, pour éviter la pluie, ce qui était une bonne chose vu l'orage qui se profilait de plus en plus. Le tout avait des relents de marché aux puces ambulant.

Les deux prisonnières furent jetés au fond du cul-de-sac sans ménagement, ligotée cheville et poignets compris, quoique Lucretia ait déjà des menottes, puis les trois bandits allèrent s'installer autour de leur feu, sans plus leur prêter plus d'attention. Lucretia avait eu le temps de les observer durant le trajet, mais elle les évalua une dernière fois, comme si une chose avait pu lui échapper. Hélas, rien de nouveau ne lui apparut. Deux hommes, une femme. Vêtements en bon état, mais sales, barbe fournie pour les deux mâles, grosse tresse bouclée pour leur compagne, poignard et matraque à la ceinture. Un brun, un rouquin et une blonde. On dirait presque le début d'une mauvaise blague.

Elle observait leurs gestes, leur manière de se parler... décortiquait chaque parcelle de leur comportement. Ces brigands allaient les vendre et si elle n'avait plus les moyens de combattre avec ses poings, la Stanhope avait intérêts à faire fonctionner sa cervelle. Ce fut d'ailleurs à peu près à ce moment que Charlie décida d'émerger de l'inconscience.

Avec un grognement digne d'un ours sortant d'hibernation, elle chercha à s'étirer avant d'être arrêtée immédiatement par les liens. Aussitôt, elle écarquilla les yeux de terreur, avant de reporter son attention successivement sur la Stanhope puis sur les trois bandits. Elle parut comprendre où elle se trouvait, reprendre ses sens, et son expression vira de la peur à la colère.

– Libérez-moi, espèces de salauds ! Vous allez avoir des gros ennuis ! Vous n'avez pas honte d'avoir attaqué par surprise ! Détachez-moi où je vous jure que je fais un massacre !

Lucretia grimaça en essayant de rentrer sa tête entre ses épaules. Elle se trouvait juste à côté de la combienne : avec ses décibels, elle lui avait percé les tympans, cette idiote ! Quel cran, mais quelle plaie !

– A peine réveillée, déjà elle crie..., grommela-t-elle.

Les trois bandits sursautèrent et se tournèrent, encore plus en colère qu'auparavant vers elles. L'un des hommes se leva et fourra un chiffon dans la bouche de l'adolescente qui n'eut plus qu'à le fusiller du regard, incapable d'émettre un son.

– Tu veux pas la fermer ? gronda-t-il avant de revenir à sa place.

Une délicieuse odeur commença alors à se répandre alors dans le cul-de-sac. Pour le déjeuner, leurs trois geôliers avaient décidé de casser la croûte. Ils se félicitèrent pour la prise qu'ils venaient de faire et entamèrent une miche de pain. A cette vue, l'estomac de la Stanhope recommença à crier famine. Juste sous son nez s'enchaînèrent un cruchon de vin, du lièvre grillé et des pommes rôties, le tout accompagné par des chants de victoire, du même acabit que celles que Lucretia avait entendre dans les bars à poivrots.

Toute cette nourriture par Adonis...

La jeune femme se perdit dans la contemplation avide de leur sac de provision. Ce pain avait l'air sec, mais par les dieux, elle en avait envie là tout d'un coup. Rien qu'un tout petit bout... L'un des deux hommes, le rouquin se leva soudain en prenant sa compagne par la main, faisant sursauter Lucretia qui se détacha à regret de l'objet de son désir.

En un tour de cadranOù les histoires vivent. Découvrez maintenant