La sensation d'oppression l'écrasait comme si la roche toute entière s'était soudain refermée autour de son torse. Lucretia posa une main sur son cœur, et articula difficilement chaque mot :
- Tue-moi, gamine.
Elle entendit un hoquet de surprise, le bruit d'une respiration qui s'emballe, un levé brusque, un choc sourd et un juron. Charlie devait s'être cognée la tête contre le plafond du souterrain qui était visiblement plus bas qu'elle le pensait.
- Qu'est-ce que vous racontez encore ? S'exclama l'adolescente.
Elle parut fouiller les ténèbres à sa recherche jusqu'à ce que sa main vienne se poser sur l'épaule de la Stanhope.
- De toute façon, tu vas me conduire à tes supérieurs et ils vont m'exécuter. Alors que ce soit toi maintenant ou eux après..., souffla cette dernière.
– Qu'est-ce qu'il vous prend ? Tu n'avais pas l'air comme ça tout à l'heure ! Allez, secouez-vous !
– Je rêve, la combienne qui dit ça à une Stanhope... J'aurais tout entendu, ricana Lucretia malgré elle.
– Franchement, après avoir essayé de te sauver, tu abandonnes maintenant ? protesta à nouveau l'adolescente.
- Tue-moi, c'est ton travail. De toute façon, je n'irais pas plus loin. Je n'en ai plus ni la force, ni la volonté.
La jeune femme ferma les yeux et attendit le coup. Ce dernier ne vint jamais, elle n'entendait que la respiration saccadée de la pilote résonner dans l'espace exigu du souterrain.
– Et bien alors ? soupira-t-elle.
– Je ne peux pas..., finit par balbutier la petite voix.
– Comment ça ?
– Je ne peux pas ! Voilà c'est dit ! Je n'ai jamais tué personne, merde !
Lucretia rouvrit les yeux aussitôt, son visage était figé par la stupéfaction.
– Je n'ai jamais tué personne. Je n'y arriverais pas, répéta la combienne.
– Tu es un soldat, objecta la Stanhope.
– Mais quel est le rapport !
Aucune d'entre elles n'osa plus parler pendant de longues minutes. La jeune femme se surprit alors à envier la petite pour l'éducation qu'elle avait reçue : son oncle n'aurait jamais toléré une pareille excuse.
– Du coup, l'homme tout à l'heure, ce n'était pas ton premier, n'est-ce pas ? demanda Charlie.
La toute nouvelle intonation de sa voix surprit son interlocutrice. Lucretia chercha son visage dans le noir, mais avec les ténèbres autour d'elle, elle ne parvenait même pas à distinguer précisément sa position.
– Oui, lâcha-t-elle finalement.
– Tu as l'habitude de... tuer des gens ?
– Quand la situation l'exige.
– Et depuis quand... Je veux dire, ton premier...
Son interlocutrice croisa les bras sur sa poitrine : elle se sentait légèrement tremblante, mais ses pensées s'écoulaient hors d'elle sans qu'elle puisse les retenir. A chaque mot, le poids sur sa poitrine semblait s'alléger.
– J'avais quatorze ans quand mon oncle m'a emmenée avec lui pour mon baptême du sang. Il m'a demandé de l'étrangler. C'était une femme. Je ne me souviens plus de son visage.
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En un tour de cadran
ParanormalLa Famille Stanhope n'est plus que l'ombre d'elle-même. Exilée dans le royaume de Blanchecombe et menacée de mort, elle vit dans le vain espoir de retrouver son âge d'or. Sa seule richesse : une énigmatique montre qui n'indique pas l'heure, mais qui...