Chapitre 10. Au-dessus de la Terre et sur la Terre [2/2]

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Elle lutta pour se mettre debout : ses jambes flageolantes se dérobaient à chaque pas et ses liens ne l'aidaient pas non plus. A son grand dam, les chaînes tintaient bruyamment à chaque mouvement qu'elle faisait.

Le boucan qu'elle faisait, eut tôt fait d'attirer l'attention de la pilote qui cessa de jurer et passa sa tête en dehors du cockpit. Elle aperçut la Stanhope debout, jura encore fois, puis bondit élégamment hors de l'appareil pour se réceptionner avec autant de souplesse en touchant le sol. En quelques enjambées, elle avait rattrapé la fuyarde après une folle course-poursuite d'une demie-seconde.

- Hé ! protesta Lucretia quand d'une poussée la pilote la renvoya sans ménagement s'asseoir par terre.

La jeune femme leva le visage vers sa geôlière prête à l'insulter quand les mots s'étranglèrent dans sa gorge. Dans les ténèbres et la panique du dirigeable, puis dans le chaos du cockpit, elle n'avait pu s'intéresser à son visage. Pourtant à présent qu'elles étaient toutes les deux à la lueur du jour et que la pilote ne portait plus son foulard, un détail lui sauta immédiatement aux yeux :  la pilote n'était qu'une adolescente qui n'avait guère dû voir plus de dix-sept printemps, dix-huit maximum.

Le timbre de voix trop aigu comme juvénile, sa capacité à mentir comme une débutante ... Évidemment ! Alors, en dépit des menottes qui lui broyaient les poignets et de sa position inférieure, Lucretia éclata de rire. Pour la première fois depuis l'annonce de la mort de son frère et le début de sa cavale, le poids de la tristesse s'allégea, tandis que la vie, pendant un instant, reprit ses droits sur son existence.

Dans le silence de la forêt, ces éclats résonnèrent si fort que sa jeune geôlière parut mal à l'aise.

– Vous voulez bien vous taire, nous sommes en plein territoire de Castelange !

Cela ne suffit pas à faire taire Lucretia qui trouvait toute cette situation trop ridicule pour ne pas être risible. Elle avait pris peur face une pareille gamine ! La situation était donc moins terrible qu'elle ne l'avait craint. Cette fille n'était pas une menace ! Tout juste un contretemps... Elle remonta ses mains menottées à hauteur de ses yeux afin d'essuyer les larmes de rire qui perlaient au coin de ses yeux.

– Le meilleur agent de Blanchecombe est une enfant, elle est bien bonne !

– L'enfant a été capable de vous retrouver, raclure de Stanhope. Je vaux donc bien plus que n'importe quel adulte, rétorqua la pilote.

Lucretia ricana : la gamine avait plus de morgue que lorsqu'elle l'avait menacée dans l'avion. Évidemment, elle pouvait se permettre de faire la fière devant une ennemie ligotée !

– Sérieusement, ils sont à ce point en manque d'effectifs qu'ils balancent leurs rejetons sur le terrain ? Envoyez vos dons à l'armée ! railla-t-elle avant de s'affaler tranquillement contre un arbre.

La bouche de la jeune fille se tordit dans un rictus de colère et attrapa Lucretia par le col pour la soulever jusqu'à sa hauteur. Sa prisonnière ne résista pas, goguenarde, puis colla son sourire impertinent sous le nez de la pilote.

– Je ne vous permets pas ! Les armées de Blanchecombe sont les plus puissantes du monde ! s'emporta l'adolescente quand elles furent face à face.

– Du monde, carrément ? persifla la Stanhope.

– Vous ne méritez même pas d'en parler ! Si nous le voulions, cela ne nous prendrait que deux jours pour nous emparer de CastelAnge ! Nous recevons le meilleur enseignement et ils nous permettent de faire nos preuves !

Son interlocutrice haussa un sourcil moqueur. Tout cela l'amusait follement.

– Face à un tel éloge, je suis bouche bée ma petite, ricana-t-elle.

En un tour de cadranOù les histoires vivent. Découvrez maintenant