Le regard dur et lointain, Freddy Barnabé écoutait pour la énième fois le message vocale laissé par son frère jumeau, Tristan Barnabé, sur WhatsApp, quelques heures seulement avant son suicide.
Sa voix désespérée déversait son torrent de mots à la fois vindicatifs et pitoyables.
<< Freddy, pourquoi tu n'es pas là, avec moi ? J'aurais tellement aimé que tu le sois. J'ai trop besoin de toi. Je suis perdu ... Perdu ... Perdu. Tu me comprends ? >>
Un bref silence, rompu seulement par la respiration haletante entrecoupée de sanglots étouffés, puis :
<< Putain, Freddy, je suis tellement désolée. Je m'en veux énormément. J'ai été un gros imbécile, un inconscient ! Je vous ai fait beaucoup de mal. Surtout à maman et ... Toi. Je n'aurai pas dû ! >>
Les sanglots s'entendaient clairement, maintenant, mais le visage de Freddy demeurait impénétrable. La voix de Tristan résonna de nouveau, lamentable :
<< Carine ... Carine m'a quitté. Freddy ... Je suis tellement malheureux. Je n'en peux plus ... Je suis à bout... >>
Nouveau silence, puis la voix anéantie cette fois :
<< Je ne vois plus aucune issue. Je suis rentrée à la maison et elle n'était plus là. Elle est partie avec notre fils. Elle m'a laissé un message me disant que j'étais devenu beaucoup trop dangereux pour eux et qu'ils seraient mieux loin de moi... Tu te rends compte, Freddy ? Elle est partie ! >>
Un silence suivait, interminable : la première fois que Freddy avait entendu le message, elle l'avait cru terminé. Mais non, la voix reprenait dans un murmure :
<< Je suis un raté, Freddy. Elle est partie ... Ils sont partis ... Ne reviendront pas. Je n'ai plus envie de vivre. Dis à maman que je regrette de ne pas avoir été le fils qu'elle espérait. Dis aussi à nos petites sœurs que je regrette de ne pas avoir été le grand frère qu'elles espéraient. Je suis désolé, Freddy. Malgré tout ce que j'ai fait, tu es quand-même restée à mes côtés. Tu t'es tout le temps souciée de moi. En vrai, j'aurais aimé être comme toi ... J'ai essayé, tu sais ! Mais, je n'ai jamais réussi. Sœurette, vis ta vie. Tu n'es pas un monstre comme papa le prétendait. Au contraire, tu es formidable. Marie-toi. Et encore une fois, dis aux parents qu'ils ont été merveilleux avec moi... Quant à toi, ma jumelle, pardonne moi. Et sache que je t'aime. Adieu. >>
Freddy arrêta l'enregistrement et gagna la fenêtre : la commune du plateau se déployait à l'infini sous ses yeux, mais elle ne la voit pas. Une rage aveugle la consumait.
Tristan lui avait laissé ce message alors qu'elle prenait sa douche et, le temps qu'elle se précipite chez son jumeau, le drame était déjà arrivé.
Tristan avait toujours admiré Freddy, sa sœur et il avait essayé de l'imiter, jusqu'au jour où, faute de l'égaler, il avait pris ses distances et avait commencé à lui pourrir la vie. Mais l'attitude de Freddy n'avait tout de même pas changé à l'égard de son frère : elle l'avait toujours protégé, ou du moins avait essayé de le faire.Les poings serrés, elle s'approcha de son bureau, et s'immobilisa devant la photo de famille. Elle avait été prise le jour de l'anniversaire de leur mère, quelques mois seulement avant la mort de Tristan. Carole Barnabé-Kassi et son époux Pierre Kassi tout sourire, et leurs enfants à côté d'eux -Freddy, Tristan, Abby et Loïs.
Avec le suicide de son frère, la cellule familiale avait eu vraiment mal : dévastée par le deuil de son unique garçon, Carole ne cessait pas de pleurer. Elle essayait tant bien que mal de surmonter cette épreuve avec l'aide de son époux et de ses filles.

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Entre nous
RomanceAbidjan. Traînant son célibat depuis deux ans et demi, la jeune Mylène fait une rencontre plus que déterminante : elle croise le regard de Freddy, son éternel sourire plaqué au visage. Entre cette jeune femme qui, face à des considérations de toutes...