Chapitre VI.

397 33 0
                                        

Une semaine et demi que Freddy l'avait revu, une semaine et demi que Mylène n'avait pas répondu à un seul de ses messages. La tomboy outragée, qui avait du mal à comprendre le comportement de l'autre jeune femme, espérait que celle-ci lui répondrait ou qu'elle la rencontrerait chez sa mère.

      Le problème, c'est que Mylène se foutait royalement de ses messages et n'avait aucune intention d'y répondre. Dire qu'elle n'appréciait pas Freddy, serait pur mensonge. Elle arrivait même à imaginer sa vie si toutes les deux devenaient amies. Le scénario lui plaisait bien, mais elle campait sur sa décision : elle ne voulait plus avoir affaire à elle. Elle voulait juste oublier sa voix, ses yeux et son éternel sourire. D'accord, au prix de gros efforts mais quand même, ça ne devait pas être difficile.

Jamais elle n'aurait cru cela possible il y a encore quelques années. Jamais elle n'aurait cru que le regard d'une autre femme la troublerait autant. Entre se mettre à dos toute sa famille à cause de sa grande attirance pour la gente féminine ou encore à cause de cette relation qu'elle entretenait avec la fille du meilleur ami de son père dont elle était amoureuse mais qui ne la rendait plus si heureuse, et refouler ce qu'elle ressentait, ce qu'elle était vraiment, elle avait pris la seconde option. Elle fut d'ailleurs très malheureuse. On n'a qu'une seule vie, pourquoi la vivre malheureuse en perdant toute sa famille à cause d'une chose qui était contre nature ? s'était-elle demandée un jour.

Depuis leur dernière rencontre, jamais Freddy n'avait cessé de penser à elle. Elle l'avait appelé une ou deux fois juste pour s'assurer que la demoiselle ne l'avait pas mise sur liste noire. Heureusement, ce n'était pas le cas.

Elle ne voulait pas lui faire du mal. Non. Elle voulait juste la connaître et être son amie.

La tomboy était dans son appartement. Toute seule. Enfin, pas exactement. Avec sa solitude, sa tristesse et son envie de revoir la chère Mylène. Invisibles mais terribles compagnons.

Abandonnée par certains membres de sa famille - en particulier son père - et par ceux qu'elle considérait autre fois comme ses amis depuis qu'elle avait fait son coming out, Freddy peinait quand même un peu à accepter cette situation de rejet que lui faisait vivre Mylène. Elle n'avait jamais cru que cela arriverait un jour, pas même dans ses pires cauchemars. Son père lui avait promis que rien ni personne ne se mettrait entre eux; que rien ni personne ne briserait ce lien si fort qu'il y avait entre eux. << Il n'était pas si fort que ça, alors ! se disait t'elle au fond d'elle >>. Pourquoi Mylène la traitait-elle aussi comme ça ?

Elle était déjà bien assez triste comme ça, depuis son retour de l'Angleterre - voyage qu'elle avait effectué et à cause duquel Mylène n'avait pas pu la rencontrer -. Sa petite famille lui avait posé des tonnes de questions sur ce qui s'était passé là bas, mais elle leur opposait une fin de non recevoir : elle ne désirait pas en parler avec qui que ce soit. Même son intrépide mère n'osait pas insister. Mais elle était malheureuse de voir sa fille ainsi, elle sentait qu'elle souffrait énormément, même si elle leur faisait croire à tous que ce n'était pas le cas et qu'elle respirait le bonheur. Tristan, en vrai, il s'en foutait de ce qu'elle pouvait bien ressentir. Ça faisait longtemps qu'il n'en avait cure de ce que sa jumelle pouvait bien vivre. Pourquoi vouloir faire le bonheur des gens, alors que nous ne l'avons pas, nous même ? Freddy et lui n'étaient plus aussi proche comme avant - pour ne pas dire, qu'ils ne le sont plus du tout - ; Tristan avait prit ses distances.






Bon, il fallait quand même se rendre au travail car, en fin de compte, il n'y a que cela qui lui faisait un peu de bien.

À 26ans, elle était à la tête de l'entreprise familiale après de nombreux refus.

Barnabé Enterprise est un groupe international de transport, de communication, de production de haute couture ainsi que de prêt-à-porter, etc. Celui-ci a été fondé par sa mère quand elle, Freddy, avait 14ans. Lorsque Carole Barnabé avait décidé de prendre sa retraite, le conseil d'administration l'avait incité à prendre Tristan comme successeur : c'était la pire décision qu'ils auraient pu prendre. Les trois premiers mois du jumeau dans l'entreprise étaient catastrophiques.

Freddy n'avait pas compris pourquoi c'était lui qu'ils avaient choisis parce qu'à sa connaissance, il n'avait jamais su ce qui voulait faire de sa vie. Et surtout, il n'a jamais vraiment aimé l'entreprise ; du moment qu'il recevait ce qui lui revenait de droit, tout allait bien. Pourtant elle, elle la chérissait et avait travaillé dur pour pouvoir être digne de succéder à leur mère.

L'idée de voir son frère à la tête était tout bonnement inacceptable. Elle savait qu'il ferait couler la boîte et il était hors de question qu'il ruine ce que leur mère avait mit tant de temps à construire.

Cette place lui avait été refusée plusieurs fois et la tomboy se demandait si ce n'était pas tout simplement du sexisme. Cette place lui a été refusée parce qu'elle était une femme. Pourtant, tous savaient qu'elle était la mieux placée pour assurer la relève.

Finalement, ils étaient revenus sur leur décision vu les bêtises que le jumeau faisait. Freddy avait reprit les rênes à l'âge de 23ans et depuis, tout se passait bien.


°°°°🎨°°°°


Dès qu'elle arriva au bureau, elle échangea quelques mots avec sa secrétaire puis l'instruisit de lui apporter les documents qu'elle devait signer. Celle-ci acquiesça en se disant qu'elle n'avait jamais vu sa patronne de mauvaise humeur. Elle s'était toujours montrée courtoise et même cordiale avec son personnel.

Après avoir tourné en rond dans son vaste bureau, Freddy s'assit sur le canapé, son téléphone en main. Elle voulait communiquer avec Mylène. Elle l'alluma, cliqua sur leur conversation et écrivit rapidement ces quelques mots :

[ Freddy - 09:44 ] Tu pourrais s'il te plaît arrêter de m'ignorer de la sorte ? Je ne sais pas ce que j'ai fait pour que tu te comportes de la sorte avec moi mais, je suis désolée en tout cas. J'aimerais beaucoup te revoir.
[ Freddy - 09:45 ] Pis, j'ai quelque chose qui t'appartient.

Mylène sursauta en entendant l'alerte qui lui annonçait un SMS. Perdue dans ses dessins, elle en avait même oublié son portable. Elle le prit et constata qu'il s'agissait d'un envoi de la personne qu'elle tente d'oublier depuis un moment déjà. Elle ne peut empêcher son cœur de palpiter. Lorsqu'elle vit de quoi il s'agissait, elle soupira. Freddy demandait pour la énième fois à la rencontrer. Elle ne voulait pas le faire car elle ne voulait pas que la tomboy réveille encore toutes ces choses en elle.

[ Mylène - 09:50 ] Moi, je n'ai pas très envie de te revoir.
[ Mylène - 09:50 ] Et si tu as vraiment un truc qui m'appartient ( ce que je doute fort), laisse le chez ta mère. Je passerai le récupérer. Merci.

Sec !

Triste, Freddy prit sa tête entre ses mains. Cette situation la touchait vraiment beaucoup. Plus qu'elle ne le voudrait d'ailleurs. Et, comme si ce n'était pas assez, un inconnu l'appela. Celui-ci se dit très en colère de voir qu'elle n'avait toujours pas fait de virement bancaire pour rembourser la dette de son frère jumeau. Freddy faillit tomber à la renverse. Avec un énième soupir, elle remua la tête et ferma les yeux.

-  Vous m'excuserez mais, je ne sais vraiment pas de quelle dette vous parlez.

-  Comment ça vous ne savez pas ? Tristan m'a emprunté de l'argent et m'a laissé votre numéro comme quoi, c'est vous qui allez rembourser. Ça fait trois semaines que j'attends maintenant. Je veux mon argent aujourd'hui.

-  Et de combien on parle là ?

-  600 milles francs !

-  Très bien. Envoyez moi les informations nécessaires pour que je puisse vous faire le virement.

<< Merde ! s'écria Freddy.  Mais qu'est-ce qu'il me veut Tristan ? Me pourrir la vie ? Comment peut-il faire ce genre de chose et me mêler à ça ? >>

Elle eut envie d'aller lui régler son compte sur le champ. Seulement, elle ne savait pas où le trouver parce qu'il ne restait jamais en place.

<< Calme toi, Freddy Barnabé. Calme toi ! >> se dit-elle à voix haute. << Et puis, merde >>.

Elle prit sa veste et s'en alla à vive allure.

Entre nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant