Chapitre VII.

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Freddy s'était réfugiée dans sa voiture, épuisée et pensive. L'alerte qui lui annonçait un message la fit sursauter. Elle prit son téléphone et constata qu'il s'agissait d'un SMS de sa seule véritable amie.



[ Lorna - 11:00 ] Tu viens me chercher ?



Intriguée, Freddy l'appela. Elles étaient très proches et s'aimaient vraiment beaucoup. L'amie décrocha.




-  Comment ça te chercher ? T'es où là ?

-  Bonjour. Bonjour, ça va ? Oui ça va et toi ? Ça va, merci. Voilà, j'ai fait les politesses pour nous deux.

-  Haha, désolée signorina. Mais dis-moi, t'es où là ?

-  À l'aéroport !

-  Pardon ? Mais t'étais pas censée-

-  Je sais ... Tu viens me chercher s'il te plaît ?

-  Je me mets en route tout de suite.




En raison des embouteillages, cela lui prit une bonne quarantaine de minutes pour arriver à destination. Elle entra dans le parking de l'aéroport, se gara rapidement et descendit du véhicule pour rejoindre le hall, puis attendit avec impatience, l'apparition de sa chère amie.




Elle avait les yeux rivés sur son téléphone quand elle entendit son prénom dans son dos. Elle n'eut point le temps de se retourner que Lorna bondit comme une enfant dans ses bras au point de la renverser sur le sol carrelé de l'aéroport. Toutes les personnes qui avaient suivi la scène, se mirent à rire. Elles se relevèrent avec peine et rirent à leur tour.




-  Tu m'as énormément manqué, dit Lorna en se jetant dans ses bras.

-  Toi aussi tu m'as manqué signorina. Bonne arrivée ! lui mumura-t-elle à l'oreille.

Lorna, d'origine camerounaise et de taille moyenne, était très belle et dotée d'un certain charme. Elle avait de beaux cheveux et un regard pétillant. Il faut dire qu'elle possédait également une agréable diction et une voix plus ou moins grave que Freddy trouvait magnifique. Lorsqu'elle était plus jeune, elle rêvait de travailler dans le droit et les mystères de la vie avaient fait en sorte qu'il en soit ainsi : Lorna était devenue juge d'instruction, l'une des meilleures de sa génération.




En parfaite gentlewoman, Freddy prit la valise de son amie et elles partirent toutes les deux en direction du véhicule.




-  Où veux-tu qu'on aille ? questionna Freddy tout en démarrant la voiture.

-  Manger. Je meurs de faim.

-  D'accord. Je connais un très bon endroit !

-  Parfait !



°°°°🎨°°°°



La vue était imprenable depuis le troisième étage du restaurant La Terrasse et la juge eut un léger vertige, comme chaque fois qu'elle se retrouvait en hauteur. Freddy choisit une table et fit signe à un serveur. Celui-ci s'approcha tout souriant. Après un très bref échange avec les deux jeunes femmes, il s'en alla avec leur commande. Il ne tarda pas à arriver avec leur choix et chacune se mit aussitôt à manger.




-  Tu as plus faim que moi, à ce que je vois, dit Lorna pour taquiner celle qui était assise en face d'elle.

-  Non pas du tout. C'est juste qu'on ne doit pas jouer avec la nourriture ! répliqua t'elle en riant.

-  Meuh oui, meuh oui, dit Lorna en riant.

-  Dis-moi, comment ça se fait que tu sois déjà là ? Il te restait encore une ou deux semaines non ?

-  Ouais mais finalement, j'ai décidé de rentrer plus tôt. Tu n'es pas contente ?

-  Si bien sûr. D'ailleurs, c'est une très bonne chose que tu sois là parce que, j'étais prête à me rendre au Cameroun, te mettre dans ma valise et te ramener ici.

-  M'arracher à mes racines comme ça ? demanda Lorna, amusée.

-  Pas du tout. J'aurais écrit une lettre pour leur dire que je t'avais emmené avec moi parce que t'avais trop duré. Moi aussi, j'avais besoin de toi. Tu me manquais trop, répondit Freddy d'une voix d'enfant.

-  C'est mignon deh !

-  Je sais !




La juge donna une petite gifle à son amie qui ne put s'empêcher d'éclater de rire.




-  Qu'est-ce que tu me caches ? fit soudainement Lorna en regardant intensément son amie.

-  Comment ça ?

-  Joue pas à ça avec moi. Je vois bien que quelque chose te tracasse mais, tu ne veux pas me le dire.

-  Tout va bien, signorina.

-  Il y a ça entre nous maintenant ?

-  Non, bien sûr que non.

-  Alors quoi ? Parle moi...




Freddy émit un soupir avant de se mettre à raconter ce qui se passait.




-  Tu veux que je lui casse la gueule ?




La voix de Lorna lui arrivait brouillée, comme déformée, à contretemps du mouvement de ses lèvres.
  Les mots de son amie se voulaient rassurants, réconfortants, amusants même, mais elle ne les entendait pas. Pour tout dire, elle ne s'entendait même plus respirer. Elle avait l'impression que son cœur avait même cessé de battre, que ses organes avaient cessé de fonctionner.




Ça faisait très mal. Elle avait beau aimé son père et son frère en vers et contre tout mais, ce n'était pas suffisant...




-  Freddy, où t'es là ? Sors de ta bulle, mange ton déjeuner et parle-moi ! Oui, surtout parle-moi ! Tu as une mine plus qu'affreuse, c'est pas croyable. Il faut vraiment que tu prennes une décision. Deux possibilités : soit tu laisses ton frère ainsi que tout ceux qui te pourrissent la vie et tu tournes la page; dans ce cas là, je connais un super truc qui pourrait t'aider. Soit tu t'accroches, tu te bats, tu ne laisses rien ni personne te décourager. Ah et d'ailleurs, si cette fille là te plaît tant que ça, tu devras faire plein plein de choses; tu te doutes bien qu'elle ne va pas te tomber dans le bec aussi facilement...

-  Laisser Tristan ? Je n'imagine même pas ce qui se passerait si je faisais ça ! répondit Freddy à son ami en portant son verre plein de coca à sa bouche.

-  Arrête de penser aux autres et pense à toi pour une fois ! Dans certaines situations de la vie, il n'y a pas de règle,  pas de << oui mais >> qui tiennent. Prends le taureau par les cornes. Demande lui des explications, parlez vous et après ça, si ça ne va pas... Vous- Comment vous dites déjà ? Voilà, vous couper igname¹.




Celle à qui était destinée le sermon laissa échapper un petit rire avant de soupirer.




-  Attends, c'est quoi ce soupir là ? Tu ne vas rien faire ? Tu capitules ? demande la camerounaise d'un air déçu.

-  Lorna...




°°°°🎨°°°°

Les deux jeunes femmes sortirent du restaurant, redescendirent à l'ascenseur. Elles passèrent le temps à se taquiner comme si de rien était. Lorsque l'ascenseur arriva, elles se rendirent à la voiture.
   Freddy, qui commençait à s'étouffer avec toutes ces histoires, était bien heureuse d'avoir pu parler à son amie.















Traduction :

Couper igname¹ : pour dire simplement qu'ils ne se parleront plus jamais.

Entre nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant