Chapitre 24 : Le Gardien de pierre

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L'expédition s'exécuta dans une orchestration minutée. Comme un essaim discipliné, chaque membre accomplit sa tâche avec ferveur et efficacité permettant au camp d'être mis sur pied le plus vite possible. Cette formation presque automatique commença à intriguer Vicente et Arcrate qui contemplaient, impuissants, cet automatisme surhumain supervisé par Duncan qui jugeait chacun silencieusement.

Ce qui surprenait le plus Arcrate et ses amis était l'absence totale de réaction face au gigantesque monolithe de roche noire qui s'étendait devant eux. Un monument pareil ne pouvait-être contemplé qu'une seule fois dans une vie et pourtant tous les jeunes hommes et jeunes femmes qui avaient signé pour rejoindre l'expédition trouvaient cent fois plus utile d'exécuter leurs oeuvres plutôt que de laisser leur curiosité prendre le dessus sur leur devoir. Des gens qui n'avaient aucune idée du monde extérieure se trouvaient face à une merveille de la nature sans éprouver la moindre envie de lever les yeux pour la voir.

Cette intrigue tourmentait Arcrate qui croisait parfois le regard avec un de ces nervis dévoués. A chaque fois que leurs yeux s'échangeaient une seconde, l'aspect vitreux de leur pupille lui glaçait le sang.

Cependant rien ne pouvait être plus effrayant que cette montagne noire et lisse comme la pointe d'une épée. Alors qu'Arcrate rêvassait face à ce monstrueux monument, Duncan lui fit signe de s'approcher.

En le voyant plus loin, près de la tente de commandement qui n'était pas encore montée, Arcrate dénota aussi la présence d'Imortelle à ses côtés.

Il les rejoignit en baissant la tête, sentant le regard et le jugement de l'elfe de sang qui devait, pensait-il, lui reprocher la disparition de Mael.

Face à Duncan qui gardait un sourire aventureux en contemplant la monstruosité, Arcrate se racla la gorge pour témoigner sa présence.

Duncan : Vous avez vu cette chose ?

Arcrate : Qui ne l'a pas vu ?

Duncan : C'est tout bonnement terrifiant.

Arcrate : Est-ce que ça va, Imortelle ?

En entendant cette question, l'elfe ferma les yeux et s'éloigna sans un mot, restant aux alentours du chef de l'expédition.

Arcrate : Je...

Duncan : Elle passe un moment compliqué, laissez-lui du temps.

Arcrate : D'accord.

Duncan : Je crois que c'est le moment où vous allez enfin pouvoir briller, non ?

Arcrate : Que voulez-vous dire ?

Duncan : Regardez-moi ce monolithe ! Il est couvert de toutes ces runes étranges, il serait temps d'utiliser vos célèbres capacités de linguistes pour en déchiffrer le sens ? Votre convalescence vous a permis de capter à nouveau ces hiéroglyphes j'espère !

Arcrate : Je l'espère aussi. Mais je ne pense pas que ce soit si simple.

Duncan : Vraiment ?

Arcrate : C'est un travail minutieux qui demande beaucoup de préparation... et je ne me sens pas encore prêt.

Arcrate n'osait pas avouer que l'absence de son précieux artefact le séparait de l'intégralité de ses pouvoirs. La compréhension de cette langue proscrite et inhumaine lui était impossible sans cette balise si chère à ses yeux. Il ne lui restait plus qu'à inventer quelques excuses saugrenues en espérant qu'elles suffisent à contenter Duncan.

Duncan : Vous êtes bon à quoi sans ça ?

Arcrate : Je vous demande pardon ?

Le ton qu'avait employé l'aventurier si habile était si dur et cruel qu'Arcrate n'en revenait pas. Il pensait avoir rêvé ou mal interprété. Mais de voir Duncan s'éloigner en ricanant étrangement l'empêchait de se maintenir dans cette idée.

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