Némésis

Chapitre 42.

Ce soir je vais enfin me livrer après des mois à enfouir ma souffrance...

Les yeux de Sven restent plongés dans les miens, attendant une réponse de ma part. Je joue nerveusement avec mes mains et je sens une petite boule se former au fond de ma gorge.

C'est difficile pour une personne qui a énormément de fierté d'exposer sa faiblesse aux yeux de quelqu'un d'autre. Je suis quelqu'un qui aime aider les gens, qui donne beaucoup aux autres quitte à s'oublier. Souffrir en silence ne me fait pas de mal, et je n'ai pas pour habitude de demander de l'aide auprès des gens.

Je n'aime pas attiser la pitié des gens, je n'aime pas chercher du réconfort auprès des gens... En fait je marche seule, je souffre seule, je pleure seule s'il le faut. Mais ça me convient. Mes larmes s'imbibent dans mon oreiller la nuit, et le lendemain je commence la journée comme si de rien était.

Mais aujourd'hui c'est différent. J'ai face à moi une personne qui a compris que ça n'allait pas, une personne qui m'a analysé de très près et qui a su me cerner. Je ne sais pas comment il a fait, ni pourquoi ça l'intéresse de savoir ce qu'il s'est passé dans ma vie, mais rien que le fait qu'il me pose la question me
pousse à tout lui révéler.

Je ne veux plus vivre avec ce poids sur le coeur, je veux en parler.

Moi : Tu vas me juger si je t'en parle ?

Sven : Je te juge seulement quand ça concerne tes histoires de cul et tes partenaires sexuels.

Moi : Je te demande de ne pas me juger.

Sven : Ça va pas être simple...

Moi : Sven !

Sven : -en souriant- Ok ok... J'arrête.

Je soupire.

Moi : Donne moi ta main.

Sven : Pourquoi faire ?

Moi : S'il te plait.

Il fait une tête bizarre, puis me tends sa main gauche. Je la pose à plat sur ma cuisse, la paume de sa main vers le ciel et le dos de sa main contre ma cuisse, puis je me mets à dessiner les lignes de sa main avec mon doigt.

Je pensais qu'il allait m'insulter, puis dégager sa main en criant qu'il ne voulait pas de proximité quelconque avec moi, mais Sven n'a rien fait.

Je lève les yeux vers lui, il me regarde simplement jouer avec la paume de sa main, sans me demander pourquoi ni me mettre la pression pour que je commence à parler. C'est fou mais j'ai l'impression qu'il me comprends sans qu'on se parle, et c'est vraiment agréable.

Je prends une grande inspiration, puis je repose mes yeux sur sa main et tout en dessinant sur celle-ci avec mon doigt, je commence mon récit :

Moi : -en jouant avec sa main- Quand j'avais 15 ans, je me suis retrouvée dans la même classe qu'un garçon qui s'appelle Adam. Il était américain, il était beau et grand, il était brun aux yeux bleus et toutes les filles étaient à fond sur lui mais c'est moi qui lui ait plu. En un regard on s'est plu, et il a suffit de quelques discussions pour qu'on se rende compte que lui et moi c'était une évidence. À ce moment de ma vie ça n'allait pas trop, ma soeur avait fait son coming out à mes parents, ils l'ont mal pris et elle est partie de la maison. Je me suis retrouvée à être la seule enfant de chez moi, et même si mes parents me donnaient tout l'amour du monde, je m'ennuyais énormément.
Adam a toujours été là pour moi, il est vite devenu indispensable à ma vie. Je passais mon temps avec lui, je rentrais des cours avec lui, je dormais au téléphone avec lui, je rêvais de lui, c'était vraiment un pilier.