La pluie s'abattait en lourdes gouttes sur les toits et les pavés de Raïka depuis trois jours déjà lorsque Lola, malgré son déni entêté, décida que ce temps morose affectait son moral. Mais juste un peu, songea-t-elle avec conviction. Les nuages noirs s'amassaient dans le ciel tel un troupeau de moutons se rassemblant dans un pré, et semblaient ne jamais vouloir se retirer pour laisser le soleil percer. Le tonnerre, tantôt grondement lointain, tantôt roulement tonitruant, déchirait la voûte céleste et provoquait une désagréable impression dans le cœur de l'adolescente à chacun de ses coups retentissants, lui rappelant la dernière nuit qu'elle avait passé chez elle. Ce soir-là aussi, les carreaux, agressés par le déluge, vibraient d'indignation tandis que l'orage éclatait, créant l'illusion d'une querelle entre les nuages et le ciel.
Un enchevêtrement d'éclairs stria l'horizon, seule source de lumière naturelle qui leur était accordée ces derniers jours. En observant le réseau de fils argentés d'électricité pure, Lola se demanda si chacun d'eux désignait un endroit mystérieux ou important de l'autre côté de l'océan, comme des aiguilles de boussole foudroyantes et dangereuses. L'envie aussi inattendue qu'irrépressible de connaître les moindres recoins de ce monde nouveau s'empara d'elle, allumant dans son esprit une étincelle d'aventure qu'elle ignorait posséder. Tout en contemplant les flots agités par les intempéries, la jeune fille se surprit à souhaiter savoir quel effet procurait un voyage constant sur les mers, comme l'équipage venu participer à la réunion du Conseil de l'Académie semblait le faire.
Depuis quand je veux explorer le monde, moi ? songea-t-elle, vaguement inquiète. Je ne suis pas une aventurière, je suis juste... moi. L'académicienne se figea alors qu'un long mugissement s'éleva sur l'étendue marine, sourd mais porteur de menaces. Lointain, et pourtant étouffant. Intangible et saisissant. Un peu comme tout ce qu'elle découvrait depuis son arrivée à Gwaohar. N'affectionnant pas particulièrement l'orage, Lola se le représentait comme un geôlier immense qui maintenant sous son joug les êtres aussi insignifiants qu'elle-même. Un chasseur tournant autour de sa proie sans relâche dans l'espoir de la voir s'effondrer sur place.
Ressentant le trouble de son amie, Kwal, assis à ses côtés, déposa sa main sur le bras de l'adolescente pour l'interpeler silencieusement. Avec un sursaut, cette dernière détourna la tête de la fenêtre et croisa les prunelles violettes, à la fois inquiètes et interrogatrices, du jeune homme. Instinctivement, Lola lui adressa un sourire, mince mais sincère, afin de ne pas l'alarmer, oubliant l'espace d'un instant qu'il était impossible de tromper si aisément un télépathe aussi doué. Même en sachant qu'il n'entrait pas dans la tête d'autrui à tort et à travers, elle avait remarqué qu'il était particulièrement perméable aux émotions des personnes qui l'entouraient.
Alors que Kwal penchait la tête, la jeune fille sentit son angoisse se retirer, refluant dans les confins de son esprit, toujours présente mais silencieuse. D'abord minime, une goutte de sérénité y naquit, glissant dans sa tête avec les effets d'une tisane réconfortante et enveloppant ses idées comme une douce couverture. Elle se mua alors en onde pour se répandre lentement dans tout son être, telle une vaguelette croissant peu à peu pour devenir marée redessinant le sable sur la plage, le laissant ainsi lisse. Apaisé. Stabilisé.
-C'est toi qui as fait ça ? chuchota-t-elle en se rappelant qu'elle était dans une salle de classe.
-Désolé, murmura Kwal en ôtant sa main du bras de Lola. Je ne fais pas ça consciemment, mais je sais que ça reste intrusif.
Avant que la jeune fille ne puisse rassurer son ami, un éclat de rire résonna contre les murs de la pièce, interrompant le flot continu de paroles provenant de la bouche du professeur Loïswells. Dans un mouvement presque synchronisé, Lola et Sam pivotèrent vers Zyria, dont les épaules étaient secouées par une hilarité croissante. Alex leva simplement les yeux au ciel, exprimant avec une consternation dépourvue de contrariété la récurrence de ce genre de situation. Kwal, lui, n'accorda même pas un regard à sa camarade de classe, aucunement surpris par le comportement de cette dernière – par habitude ou grâce à ses dons de télépathies, Lola était incapable de se prononcer sur le sujet. Quant à l'enseignant, il soupira d'un air las et agacé :
VOUS LISEZ
Pirates and Magic
FantasíaNaoko, jeune fille indépendante et solitaire, décide de fuir sa famille d'accueil. Elle s'arrange donc pour partir dans un autre pays, là où personne ne pourra la retrouver. Cependant, alors qu'elle pensait être sur la bonne voie, ses plans sont com...