Chapitre 3

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Naoko écarquilla les yeux, brûlant de sel, pour essayer de voir dans l'obscurité de l'eau. L'ébahissement céda soudainement la place à la colère et, prenant conscience que rester inactive équivaudrait à la noyade, elle commença à battre furieusement des bras et des jambes pour rejoindre la surface. L'océan s'agita au même rythme que sa panique grandissante, rendant l'opération plus périlleuse que ce qu'elle imaginait. Parvenant à prendre une bouffée d'air, une nouvelle vague l'immergea à nouveau.

Culbutant sous l'eau, ses mains tentèrent vainement de trouver une prise quelconque qui pourrait l'aider à maintenir sa position. Elle ferma les yeux, la vue brouillée d'eau ne lui servant à rien pour se repérer dans cet environnement. Elle parvint à trouver une seconde fois la surface et une goulée d'air s'engouffra dans ses poumons brûlants en même temps que l'eau salée. L'océan, contradictoire, semblait tantôt vouloir l'aider, tantôt vouloir la noyer et Naoko fut rapidement oppressée par les forces contraires qui l'entraînèrent sous l'eau.

La jeune fille tenta de se calmer et de ne pas se débattre inutilement contre l'eau ; c'était la meilleure manière de se noyer au plus vite. Ses gestes devaient devenir plus précis, plus judicieux, plus efficaces. La panique la ferait sombrer encore plus rapidement. Une accalmie lui permit de garder la tête à l'air libre pendant quelques minutes. La couleur orangée du soleil couchant s'étendait à l'horizon sur l'étendue bleu marine, spectacle qui aurait été magnifique si Naoko ne devait pas agiter les jambes en un rythme régulier pour survivre. La respiration saccadée, elle profita de ce court moment de calme pour vérifier devant elle : aucune terre n'était visible. Elle n'eut pas le loisir d'effectuer une manœuvre de rotation pour regarder de l'autre côté qu'elle fut de nouveau ballotée par une vague.

Luttant ainsi pour rester en vie, l'adolescente perdit totalement la notion du temps. Était-ce pendant une poignée de minutes ? Une heure ? Ou peut-être deux ? Elle était parfaitement incapable de le déterminer, tout comme il lui était impossible de connaître la façon dont son environnement évoluait, la plupart de ses sens lui étant devenus temporairement inutiles : sa vue trop brouillée par l'eau, son odorat et son goût saturés de sel marin et son ouïe envahie par le bruit violent des vagues ne lui étaient pas d'une grande aide. Son toucher, en revanche, l'étonna lorsqu'il détecta une anomalie du bout des doigts. Aussitôt, ses mains cherchèrent à nouveau ce contact, presque machinalement, pour s'attaquer à autre chose qu'à l'immensité de l'océan.

Plusieurs essais furent nécessaires, les gestes de Naoko semblant constamment éloigner l'objet qu'elle tentait d'atteindre – parce qu'elle en était certaine, il s'agissait bien d'un objet, chose inanimée, et pas d'un être vivant se payant sa tête. Si cette certitude lui venait de son instinct ou d'un espoir ridicule naissant en elle, elle ne le savait pas. Cependant, elle n'avait guère le temps de s'y attarder. Sa main droite se referma autour de l'objet convoité, qu'elle identifia comme une corde. Sa jumelle la rejoignit pour assurer à Naoko une meilleure prise et elle s'y accrocha fermement.

Aussi soudainement qu'elle y avait été projetée, la jeune fille fut arrachée à l'eau glacée qui semblait se cramponner à ses chevilles pour tenter de la garder prisonnière. Elle atterrit alors brusquement, à plat ventre, sur un sol qu'elle n'eut pas le loisir d'évaluer dans l'immédiat, toussant et crachant l'eau coincée dans sa gorge en se redressant sur ses coudes. Elle prit de longues et profondes inspirations durant lesquelles elle s'obligea à ouvrir les paupières. Ses yeux piquaient autant que ses poumons étaient en feu, mais elle était vivante. La vue encore mal accoutumée à l'obscurité naissante et brouillée d'eau, elle parvint cependant à discerner un plancher.

Son souffle partiellement reprit, Naoko leva la tête pour regarder autour d'elle. Plusieurs personnes s'étaient amassées autour d'elle comme si elle était un animal de foire. Elle serra les dents, déjà exaspérée par la situation, et se redressa sur ses genoux.

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