Pirates and Magic

Chapitre 25

Depuis la fenêtre de son bureau, Mirko observait Lola, Raven et Kwal descendre l'allée de l'Académie pour rejoindre le centre de Raïka. Insouciants et légers, ils échangeaient mots et sourires en marchant au même rythme, celui de l'affection et l'allégresse. De l'amitié et de l'enjouement. Leurs cheveux agités par la brise de l'été évanescent s'emmêlaient avec insolence alors que les adolescents frissonnaient de cette caresse aérienne. Le lien qui les unissait déjà si étroitement, à la fois frais et profond, revigorant et authentique, le plongeait dans une douce nostalgie et lui reflétait avec la fidélité d'un miroir sa propre scolarité à l'Académie.

Fermant les yeux sur ce tableau de jovialité, l'enseignant inspira profondément et se laissa glisser dans la rivière paisible de ses souvenirs. D'élève calme et studieux que les professeurs n'entendaient que lorsqu'il était sûr de posséder la réponse correcte à leurs questions, il ne lui avait fallu qu'un ébranlement dans son quotidien pour le muer en fauteur de troubles irrattrapable. Un tremblement de terre des plus agréables, un raz-de-marée délivrant et euphorisant. Le jour où Stella avait choisi de s'installer à son pupitre en cours d'Histoire et Mythes de Gwaohar avait marqué un tournant net dans la vie de Mirko, une bifurcation qu'il ne regretterait jamais.

Si la jeune fille qu'il avait rencontrée était alors réservée, elle était également déterminée à profiter de tout ce que la vie avait à lui offrir. Sérieuse pour étudier les différents cours mais loin d'être une élève modèle, elle se laissait porter par la vie comme une flamme ondulait au gré du vent, comme un brasier consumait les parcelles de bois qui lui étaient offertes. Avec liberté et enchantement, chaleur et fascination. De véritables braises dormant dans son cœur en n'attendant que de pouvoir se calciner avec passion. Ses yeux pétillaient d'authenticité, reflétaient l'éclat étincelant de son âme. Ils étaient deux fenêtres ouvertes sur un attachement dont il ignorait avoir besoin. Sans avoir besoin de murmurer un mot, une clairvoyance aussi limpide que la glace s'écoula entre eux : ils ne se connaissaient pas encore, et pourtant, ils savaient déjà qui ils venaient de rencontrer.

Tous deux se ressemblaient autant qu'ils étaient différents. Ils se complétaient et se confondaient, se renforçaient mutuellement et se tiraient vers le haut. L'une incitant à sortir de sa zone de confort, l'autre rappelant avec flegme les réalités de la vie. Mirko ne pensait pas se tromper en estimant qu'il s'agissait précisément de ce que l'on dénommait une âme sœur. Deux pièces d'un même puzzle, deux faces d'une même pièce. Un cœur réparti dans deux corps distincts, dont les morceaux battaient à l'unisson. Et si, pendant toutes ces années, leur lien n'avait cessé d'évoluer, jamais il ne s'était détérioré. Encore aujourd'hui, le professeur se demandait ce qu'il serait advenu de lui s'il n'avait pas rencontré Stella. Serait-il devenu professeur ? Aurait-il été capable de surmonter sa maladresse sociale pour laisser s'épanouir sa volonté de partager ? La réponse est non, songea-t-il. Irrévocablement et définitivement non.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, les trois académiciens se trouvaient hors de son champ de vision, et l'enseignant s'extirpa de ses divagations avant de se détourner de la fenêtre. Le regard attiré par le pavillon cuivré du gramophone trônant à l'opposé de la pièce, il s'en approcha et tira précautionneusement le tiroir contenant ses précieux disques, soigneusement rangés dans leurs enveloppes protectrices. Parcourant les titres rédigés de son écriture anguleuse en glissant son doigt sur le papier jauni par les années, il extirpa finalement de la pile le contenant arborant les mots « Abîmes marines, de Bérénice Vorunt ». Avec des gestes cérémonieux, Mirko s'empara de l'objet circulaire, le plaça sur le lecteur, tourna la manivelle et déposa l'aiguille sur la surface rugueuse.

Une mélodie profonde s'éleva alors dans le bureau, mêlant les tonalités graves et captivantes d'un violoncelle à celles, claironnantes et mystérieuses, d'une flûte de lune. La musique aussi sereine qu'oppressante envahit le professeur, évoquant les abysses sombres et inatteignables. Inquiétantes et pourtant étrangement apaisantes. Attirantes. Fascinantes. Redoutables. S'enfonçant dans les flots immergés des plus vastes océans, Mirko inspira une longue bouffée d'air qui emplit ses poumons d'oxygène et rafraîchit ses pensées. Effleurer de la sorte ses années passées en tant qu'élève à l'Académie avait éveillé en lui un désir cuisant de réponses. Sans même chercher à comprendre pourquoi, il s'empressa de farfouiller dans ses armoires pour en ressortir une bougie aux nuances violettes qu'il déposa sur la surface boisée de son bureau. Lorsqu'il s'installa sur son imposant siège, il alluma la mèche de la chandelle d'un simple effleurement des doigts et agrippa le collier abandonné auprès de ses papiers.