Chapitre 10

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Mirko descendait les escaliers jusqu'au sous-sol à la suite de Stella, maîtresse du Feu, collègue et amie, dont la chevelure blonde aux reflets roux rappelait bien trop une flamme que pour se méprendre sur son affinité. Contrairement à ce que beaucoup pensaient à propos des personnes manipulant aisément cet élément, la jeune femme ne faisait pas preuve d'explosivité dans son caractère, mais de retenue, comme un feu brûlant dans l'âtre. Elle restait cependant passionnée et la mettre en colère équivalait à faire le vœu d'affronter un incendie ravageur.

Le professeur s'immobilisa sur l'avant-dernière marche des escaliers pavés avant de jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Un chuchotement était parvenu à ses oreilles ; du moins, c'était l'impression qu'il avait eue. Était-il possible qu'il ait plutôt perçu le bruissement de ses propres vêtements sur le sol ? Alors qu'il s'apprêtait à projeter son pouvoir vers le haut de la cage d'escalier, Stella, qui le devançait, l'interpela d'une voix ferme, ses yeux bruns aux paillettes dorées l'étudiant méthodiquement :

-Mirko, que fais-tu ? Nous n'allons pas faire attendre le capitaine plus longtemps, il a dit que c'était important. Tout le monde est déjà prêt.

-Bien sûr, Stella, excuse-moi, répondit-il en reportant son attention sur elle.

Distrait par cette interruption, il la rejoignit et traversa le couloir en observant ces mêmes tapisseries qui avaient suscité tant d'interrogations de la part de Lola. Il grimaça de manière imperceptible à cette pensée ; selon le sujet de cette réunion, il serait peut-être forcé de dévoiler l'affinité qu'avait révélé cette dernière. Il aurait préféré ne pas être pressé par le temps, pouvoir lui expliquer ce qu'elle avait besoin de savoir et la guider dans ses premiers pas sur le chemin de la magie.

L'enseignant s'arrêta devant un ornement tissé d'une large toile d'araignée décorée de la rosée matinale, dont chacune des gouttes d'eau capturait une scène unique, comme la naissance des étoiles, les débuts du filage de la toile temporelle ou les différentes histoires associées au cycle lunaire. Mirko glissa sa main sur les fils formant une araignée occupée à agrandir le filet de soie sur lequel elle évoluait. Qu'est-ce que tu as fait, Taiikyta... ? l'interrogea-t-il silencieusement avant de se détourner sans espérer de réponse.

Si on en croyait les anciens écrits évoquant ces histoires, la déesse gardienne du Temps s'était toujours montrée impitoyable. Sans jamais se soucier des concepts comme le bien ou le mal, la justice ou la cruauté, son seul intérêt était de protéger ce qui devait arriver et les possibilités que ces événements impliquaient. Clémence et compréhension n'entraient pas dans son vocabulaire. Si un de ses protégés trouvaient une fois de plus la mort, sa justification, si elle en avait une à fournir, serait encore la même : les choses devaient se dérouler ainsi.

Passant la porte de la salle de réunions en tentant de laisser ses pensées dans le couloir, il embrassa la pièce d'un regard. Les six autres professeurs de l'Académie, constituant le Conseil de cette dernière, se rassemblaient autour de la table en bois de chêne, n'attendant que Stella et lui-même pour être au complet. Ondine, la plus jeune d'entre eux, agitait nerveusement les doigts au rythme du minuscule orbe d'eau glissant entre ses phalanges. Ses longs cheveux bruns ondulaient sur ses épaules comme des vagues sur la mer et ses yeux turquoise scrutaient un à un leurs invités.

Une aura d'encens presque palpable émanait de Lucian, comme à son habitude. Ce dernier se tenait droit, sa stature mise en évidence par sa grande taille, ses yeux vert forêt fixés sur un point imaginaire au mur en face de lui et ses cheveux châtains soigneusement coiffés, au contraire de ceux de Mirko. À peine plus âgé que ce dernier, son visage serein exprimait une bienveillance naturelle qui lui desservait souvent. Avant qu'il n'ait pu poursuivre l'examen de ses collègues, la voix douce et légère d'Alix aux accents de l'est – selon ses propres dires – s'éleva :

Pirates and MagicOù les histoires vivent. Découvrez maintenant