Pirates and Magic

Chapitre 11

Tapie sous la cage d'escaliers, Naoko écoutait les bruits de pas de l'enseignant qui l'avait interrogée résonner très légèrement sur chaque marche. Ils s'interrompirent sur la dixième marche sans raison apparente ; aussi, la jeune fille craignit qu'il ait remarqué sa présence. Elle avait noté qu'il était très intuitif et ne commettrait pas l'erreur de le sous-estimer. Pourtant, les pas reprirent avec légèreté, s'éloignant vers le rez-de-chaussée sans se soucier d'elle. L'adolescente se décala du mur contre lequel elle s'appuyait pour jeter un coup d'œil au-delà des escaliers.

Les trois académiciens qui s'étaient tout juste fait réprimander semblaient en pleine conversation – à propos de ce qu'ils avaient entendu pendant la réunion ou au sujet d'une excuse pour échapper à leur retenue, Naoko l'ignorait. D'ailleurs, l'objet de leur discussion ne lui importait aucunement. Ce qu'elle voulait, c'étaient des réponses ; et elle était décidée à les obtenir. Elle les observa quelques secondes ; lorsqu'elle avait entrouvert la porte de la salle, elle avait pu les apercevoir, mais pas suffisamment pour les détailler.

L'une des jeunes filles tenait ses épaules droites, affichant son air confiant, mais son port de tête bas suggérait que son assurance avait des limites et ne se muait pas en suffisance vis-à-vis des autres. Ses cheveux châtain, coupés au niveau des épaules, semblaient difficiles à discipliner ; cependant, aucun épi sauvage ne s'échappait de sa chevelure, témoignant de sa détermination. Naoko éprouva un vif sentiment de respect envers elle. L'adolescent, lui, visiblement moins inquiet par son aspect capillaire, étonna l'épieuse par ses yeux d'un violet profond qui reflétaient à la fois malice, sérieux et intelligence. Sa posture reflétait sa discrétion sans pourtant occulter totalement sa présence.

La troisième personne se trouvait de dos par rapport à Naoko, mais ses longs cheveux aussi noirs que ceux de son ami étaient parfaitement visibles. La jeune fille se souvenait bien de ses yeux d'un gris acier qui l'avaient transpercée de part en part lorsque son regard les avait croisés à travers cette porte. Surprise et incrédulité s'étaient lues dans ses prunelles limpides. Peut-être était-ce ce qui avait décidé l'adolescente à ne pas poursuivre sa route et à fermer le lourd panneau de bois qui leur avait permis de s'éloigner : la sincérité des émotions qu'elle avait découvert.

Cet instant, l'adolescente le considérait comme un moment de faiblesse, et elle comptait rapidement y remédier. D'un pas décidé, elle s'approcha du petit groupe d'académiciens et, avant que l'un d'eux ne puisse réagir, empoigna le col de la jeune fille aux cheveux ébène et la plaqua contre une tapisserie suspendue au mur. Naoko planta ses yeux océan dans les pupilles étonnées de celle qu'elle avait l'intention d'interroger. Pourtant, les choses ne se déroulèrent pas entièrement comme elle l'avait espéré, parce que ses amis n'attendirent pas plus d'une seconde pour réagir.

L'autre adolescente avait déjà matérialisé au creux de ses paumes des sphères d'eau ne demandant qu'à déferler. L'effort lui coûtait, Naoko pouvait le voir, mais elle le dissimulait pour paraître sûre de ses capacités. Une fois de plus, elle lui inspira une bouffée de respect. Le jeune homme, lui, la fixait sévèrement, toute trace d'espièglerie disparue, et lâcha d'une voix empreinte de dureté :

-Laisse-la partir.

-Pourquoi vous écoutiez la réunion ? répliqua l'adolescente en reportant son regard dans les iris gris de celle qu'elle maintenait contre le mur.

-Pourquoi ? bafouilla cette dernière. Eh bien, parce que... Pourquoi on écoutait, les gars ? interrogea-t-elle, perdant soudainement toute trace d'inquiétude pour laisser place à un réel questionnement.

-Pour se tenir au courant, expliqua son amie d'une voix calme mais pas moins vibrante de menace. Si on ne le fait pas nous-mêmes, rien ne nous garantit que quelqu'un le fera.