Chapitre 20

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Descendant les escaliers avec lenteur pour se rendre au rez-de-chaussée, Lola appréhendait particulièrement cette heure de cours. Lorsqu'elle avait demandé de plus amples informations à Kwal, persuadée qu'il s'agissait d'une erreur effectuée à la rédaction de son horaire, son ami lui avait adressé un sourire énigmatique avant de lui assurer que tout était correct. Se tournant alors vers Raven, celle-ci avait entrepris de lui expliquer ce qui l'attendait, pour conclure par un sourire bienveillant et un « Mirko t'expliquera bien mieux que moi ». La jeune fille se dirigeait donc vers le bureau de ce dernier, sans aucune indication claire de ce qui l'attendait.

Plutôt satisfaite de s'habituer petit à petit à ce monde qui lui était encore inconnu peu de temps auparavant, les situations dans lesquelles elle ressentait un profond désarroi n'avaient pas encore disparu pour autant. En fait, malgré l'accueil de ses camarades de classe ainsi que la facilité avec laquelle les professeurs l'avaient inclue dans le groupe, l'impression d'être une étrangère dans cette Académie la taraudait sans cesse – excepté lorsqu'elle était avec Raven et Kwal. Ils ne remplaçaient pas sa famille ni n'effaçaient le sentiment de manque qui l'étreignait, mais l'affection qu'elle leur portait se rapprochait tant de celle qu'elle vouait à ses parents et à son frère qu'elle parvenait à occulter le reste : la douleur de l'absence, sa maladresse naturelle, sa méconnaissance par rapport à ce qui l'entourait.

Enroulant une longue mèche noire autour de son doigt, Lola avança lentement dans le couloir qu'elle surnomma automatiquement et de manière peu originale celui « des professeurs ». Consciente de l'écho de ses propres pas contre le carrelage noir, elle se sentait encore moins discrète qu'à son habitude. Les portes claires des bureaux se succédaient, comportant chacun le nom de leur occupant respectif. En remarquant les différentes écritures sur les plaquettes de bois, l'adolescente comprit que chacun avait confectionné la sienne, avec plus ou moins de soin. Émerveillées, ses prunelles grises glissaient de l'une à l'autre pour les détailler avidement.

Celle de Telheki était de loin la plus impressionnante : maître de l'Électricité, des éclairs bleu vif striaient toute la surface boisée sur un fond de nuages orageux, qui se dégradaient en différentes nuances de gris. Le relief et l'aspect cotonneux que revêtait la nébulosité paraissaient si réalistes que l'adolescente aurait aimé les effleurer, et la foudre possédait un tel éclat qu'elle l'entendait presque crépiter. Le nom de l'enseignant, lui, semblait avoir été écrit de manière rapide et négligée, comme s'il s'agissait d'un élément à l'importance risible. Lola commençait à comprendre pourquoi ce jeune homme à l'énergie pétillante et irrépressible était devenu professeur d'arts.

À l'exact inverse, le panonceau de Stella indiquait le bureau de sa propriétaire avec une calligraphie esthétique, tout en boucles et en ondulations, qui reflétait la passion qui l'animait. Les flammes entourant les lettres méticuleusement tracées tranchaient avec ces dernières par leur grossièreté tant par leurs traits que par leurs couleurs, n'évoquant l'élément que la professeure maniait que de manière schématique. Plus appliquée dans ses tâches, Ondine, la maîtresse de l'Eau, avait consciencieusement dessiné un cours d'eau, mince et vif, ondulait tel un élégant ruban entre les lettres délicatement tracées de son prénom et encrées d'un turquoise qui rappelait la couleur de ses yeux.

Projetant son élégance et son inflexibilité sur son écriteau, le maître de l'Air avait inscrit prénom et nom à l'aide de longs traits nets et graciles, évoquant des pics de montagnes impitoyables et majestueux. De minces lignes d'un blanc translucide glissaient entre les lettres, tels les vents glacés et rigoureux des hauteurs. Lola avait toujours imaginé cet élément comme souple, léger et agréable ; mais après avoir assisté au cours d'Alix, elle s'était souvenue que les ouragans n'étaient constitués que de souffles puissants et impitoyables. Sa sévérité et sa rigueur ne semblaient plus aussi incongrues par rapport à son affinité, lorsqu'on prenait cet aspect en compte.

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