Pirates and Magic

Chapitre 8

Le sommeil n'avait accepté Naoko que pendant deux ou trois heures avant de la chasser de son monde de songes. Se souvenant qu'elle s'était levée au petit matin pour tomber immédiatement au crépuscule, le fait de ne pas pouvoir se reposer plus longtemps ne l'étonnait guère. Sans bouger de sa couchette, elle jeta un coup d'œil autour d'elle ; tout le monde semblait à la même place que la veille, exceptée Lyna, qui était apparue sur un hamac. Ses cheveux roux, à présent emmêlés, flamboyaient même dans l'obscurité de la cale. Sa jambe droite pendait dans le vide et son bras droit, constellé de bracelets, reposait sur son front.

La jeune fille esquissa un sourire amusé. Elle ne parvenait pas à être étonnée par le manque d'inactivité de la seconde du capitaine jusque dans son sommeil. Son regard glissa alors sur son voisin de couchette, qui dormait à poings fermés dans la position exacte dans laquelle il s'était endormi : roulé en boule, sa couverture serrée contre lui, Puck semblait si paisible qu'il lui évoqua l'image d'un chiot abandonné qui grandissait parmi d'autres animaux qui l'auraient recueilli. Naoko prit une grande inspiration, s'enivrant de l'odeur d'humidité salée qui chargeait l'air ambiant.

Lorsqu'elle aperçut la lumière matinale, l'adolescente décida qu'il était temps de sortir de la cale pour se rendre sur le pont. Elle balança ses jambes en-dehors de la toile suspendue sur laquelle elle était allongée et repoussa le mince drap qui la couvrait avant de déposer silencieusement les pieds sur les lattes de bois. La pensée que des baskets en toile s'abîmeraient bien trop vite sur une telle embarcation lui traversa l'esprit, sans qu'elle ne comprenne réellement comment elle y avait germé. Sans se préoccuper d'arranger sa tunique chiffonnée, Naoko gravit les quelques marches qui la séparait de l'air frais.

Le vent fouetta son visage à l'instant précis où elle surgit sur le pont et s'engouffra dans ses boucles blondes parsemées de bleu. Du coin de l'œil, elle aperçut Liam au loin, sur sa droite, maintenant fermement le gouvernail. Même à cette distance, ses yeux verts trahissaient une consternation noyée dans une réflexion intense. Pendant un instant, elle se demanda s'il avait esquissé un autre geste de toute la nuit que ceux de ses mains sur la barre, tant il paraissait imperturbable.

Glissant son regard dans la même direction que celui du capitaine, Naoko s'éloigna de la cale pour rejoindre la proue du navire. Les rayons précoces du soleil perçaient audacieusement la fine couche de nuages gris qui s'était invitée lorsque l'aube avait point. Une brume légère s'élevait à la surface de l'eau et s'élevait avec insolence pour défier les mâts. Une nouvelle puissante rafale de vent gonfla les voiles et siffla dans les cordages. L'ensemble pouvait créer une ambiance assez inquiétante ; pourtant, la jeune fille ne s'était jamais sentie aussi vivante.

Agrippant fermement le bastingage, elle se pencha vers l'avant en fermant les yeux pour profiter clairement de la caresse du vent qui rougissait ses joues de froid et qui emportait ses cheveux. Elle apprécia les brusques variations de la course du bateau, le bruit éclatant des vagues se brisant contre la coque et cette odeur salée et fraîche qu'elle avait déjà inconsciemment associée à la liberté. Elle ignorait combien de temps s'était écoulé lorsqu'elle fut arrachée à sa rêverie par une petite voix qui s'exclama :

-C'est beau, pas vrai ?

Naoko ouvrit les yeux, étonnée, et tourna la tête pour découvrir Puck, émerveillé et souriant, accoudé au bastingage. Les coins de ses lèvres frémirent pour former un mince sourire, presque malgré elle. Elle s'étonna même de ne pas se renfermer sur elle-même à l'idée d'avoir pu paraître vulnérable.

-Oui, acquiesça-t-elle. C'est vraiment magnifique.

-Tu as vu la brume ? voulut-il savoir.

Elle hocha la tête, se demandant pourquoi la réponse était si importante.