De l'autre côté du pont

𝕋𝕎𝔼ℕ𝕋𝕐

ELI

Chapitre vingt

- Je te demande juste de rester ici cinq minutes. Je n'ai pas envie que tu rencontres mes parents.

- Pourquoi, t'as honte de moi ?

Je soupire, fatigué de toujours devoir me justifier. Je n'ai pas envie que mon père se retrouve face à Rain. C'est un homme bourré de bien trop d'idéaux et de jugements, incapable d'être heureux pour moi.

- Rien à voir, vraiment Rain. C'est pas toi le problème, c'est mon père.

- Promis, je saurais être aimable. Ça m'arrive parfois, même si c'est rare.

- Je reviens dans cinq minutes, j'ai juste des affaires à récupérer.

Je claque la porte de ma voiture à peine récupérée au garage, et bien évidemment, Rain me suit. A quoi je m'attendais exactement ?

Depuis que nous sommes rentrés d'Espagne il y a une semaine, nous ne nous lâchons plus d'une semelle. Rain n'a pas retrouvée d'emploi, et elle a refusé de rentrer dans son ancien appartement. Elle m'a d'ailleurs interdit d'annoncer à qui que ce soit qu'elle était de retour. Elle prétend que c'est pour prolonger ses vacances, mais je sais pertinemment que c'est parce qu'elle redoute sa rencontre avec Léo. Du coup, elle passe son temps chez moi. Parfois, elle disparaît dès le levé du soleil et ne revient qu'une fois la nuit tombée, mais je ne pose pas de questions. Je la laisse faire sa vie et prendre la distance dont elle a besoin. A vrai dire, elle fait la même chose pour moi quand je disparais dans la nuit pour aller me promener, par exemple.

- Essaie de tenir ta langue, s'il te plaît. Il va t'énerver, il m'énerve aussi mais la meilleure chose à faire reste encore de l'ignorer.

Elle lève les yeux au ciel et me suis à la trace, examinant la devanture de la maison à mes parents.

- C'est bien lui qui t'as mis au défi de sauter d'un pont, non ?

- Ouais, mais oublie ça.

- Je n'oublie rien du tout. Ton père est taré, pas étonnant que tu sois bizarre.

Je marmonne de mon côté, sans lui donner la possibilité d'entendre ce que je dis. J'ouvre alors la porte d'entrée, dévoilant le hall immense de la maison.

- Putain.

- N'en rajoute pas une couche, par pitié.

Rain mime une fermeture sur sa bouche, signe qu'elle va se taire. Ou au moins essayer de le faire.

- Eli ? C'est toi ?

- Oui.

Ma mère débarque, tablier de cuisine autour de sa taille.

- Ho, bienvenue.

Rain lui offre son plus beau sourire, totalement faux avant de se présenter.

- Nous nous sommes déjà rencontrées.

Voici la réponse de ma mère.

- Oui, c'est vrai.

Mal à l'aise, Rain ne cesse de gesticuler. Je remarque chaque coup d'œil qu'elle donne à la pièce. Lorsque j'avance sans même retirer mes chaussures, je repère aussi son air moqueur. Elle s'avance dès que ma mère s'éloigne pour chuchoter à mon oreille.

- Tu as laissé tes tocs à la porte ou quoi ?

- Tais-toi.

Vexée, elle ne dit plus rien. Je n'ai pas envie d'être méchant avec elle, mais je n'aime pas être ici.