Road Trip [Terminée]

Chapitre 6 - Les stigmates

Média : Fade To Black – Metallica

Dimanche 18 juin 2017

J'arrive en trombe sur le parking du studio. Même en ayant roulé à fond, cela ne m'a pas défoulé et je me sens toujours autant énervé par la connerie de mes parents. Mon voisin, un parfait inconnu, a éprouvé de la fierté en me voyant à la télé alors que mes géniteurs me méprisent et me prennent pour un délinquant gothique maintenant. C'est de mieux en mieux ! De toute façon, ils ne se sont jamais vraiment intéressés à ce que je faisais. Pour eux, il n'y que la médecine qui suscite une réelle importance, le reste est illusoire.

Si je suis tant en colère depuis mon plus jeune âge, c'est parce qu'ils ont essayé de me façonner pour que je cadre à leur critère de digne héritier du Professeur Kessler, mon père. J'ai essayé de rentrer dans le moule pour leur faire plaisir mais on ne peut pas aller contre sa nature et moi, j'ai toujours eu une âme d'artiste, confirmée par mon attrait pour la musique. Alors quand ils ont enfin compris que je ne suivrais pas leur prestigieuse lignée, ils se sont désintéressés de moi. Même s'ils n'étaient déjà pas très présents auparavant entre les gardes, les opérations interminables et les urgences, je peux dire qu'ils ont brillé par leur absence depuis ma plus tendre enfance.

Je pensais naïvement que la notoriété de notre groupe leur permettrait d'éprouver un minimum de reconnaissance, mais je me suis encore bien leurré. Je viens de faire l'amer constat que ma brillante carrière de musicien ne vaut rien à leurs yeux. Cette vérité immuable me fait mal mais je dois l'accepter puisque je ne finirai jamais mes études pour devenir chirurgien afin de correspondre à leur modèle de perfection, surtout que la vue du sang me débecte au plus au point. Ces études, c'étaient vraiment une erreur de casting sur toute la ligne, uniquement pour leur faire plaisir. Et j'ai quoi en retour ? Le dédain.

Je pénètre dans le bâtiment qui héberge notre salle de répétition. Will nous a octroyé les droits d'accès de jour comme de nuit car il a vite compris qu'il était vital pour moi de pouvoir taquiner ma batterie quand le besoin d'extérioriser se faisait impératif. Je passe mon badge devant le lecteur pour entrer dans la pièce qui stocke tout notre matos. J'allume les lumières et me retrouve instantanément dans mon élément avec nos instruments, les posters des tournées et des concerts que nous avons donnés, placardés aux murs ainsi que les pass des festivals auxquels nous avons participé. Je peux enfin souffler, cette ambiance familière commence à me redonner des repères.

Par contre, il fait une chaleur à crever dans cet espace insonorisé. Même si notre local de répétition est grand luxe avec kitchenette et salle d'eau, il n'y a pas de fenêtre. Tant pis, je ne vais pas allumer la climatisation juste pour mon petit confort. Je me dirige vers le coin détente pour enlever mon blouson et mon t-shirt que je pose sur le canapé.

En me retournant j'aperçois mon reflet dans le miroir. Je marque un temps d'arrêt pour observer mon apparence qui provoque tant de dédain chez ma mère. J'ébouriffe de rage mes cheveux gominés puis touche la créole en argent qui orne mon oreille gauche, mon premier acte de rébellion à douze ans en sortant du collège.