Chapitre 21

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J'avais soufflé comme une gamine de cinq ans, et j'étais sorti par l'immense baie-vitrée menant au jardin qui lui-même menait à la forêt, qui elle-même mènerait sûrement a chez moi.

J'essayais de repérer des indicateurs, de regarder la cime des arbres, il me semblait, non j'étais quasiment sûr, qu'à l'autre bout de la forêt, si je continuais tout droit j'allais retourner dans ma rue, dans mon appartement qui me manquait terriblement à présent.

Il fallait que je sois discrète, secrète et que j'y aille en douceur.

Pour la discrétion c'était raté, une dizaine du groupe d'Aleph était attablés dehors, partageant un joyeux festin.

Mon ventre grogna, je n'avais pas mangé depuis quoi ? une éternité !

Alors que je pensais que personne ne m'avait entendu ni vu, un homme que je n'avais jamais vu avant s'était avancé vers moi et c'était agenouillé une assiette remplie à la main.

Il était là, devant moi, à genou, il était assis quelques instants plus tôt, dévorant un morceau de viande, et à présent, il était devant moi tenant une assiette pour moi, il avait compris, il avait entendu que j'avais faim.

Qu'est-ce que je devais faire ? lui dire merci ? passer devant lui sans m'arrêter ? lui prendre l'assiette et me joindre à eux putain, je n'aimais pas ce genre de situation.

Tout le monde nous regardait et seul lui était à genoux.

Affamée, j'allais prendre l'assiette lorsqu'une personne avait finalement décidé d'intervenir, une belle femme rousse à l'autre bout de la table dit le regard plein de haine :

- Lève-toi Oliver, ça ne sert à rien, on est foutu désormais, et pour toujours !

Le Oliver en question s'était levé, et était reparti à table avec mon assiette, leurs discussions reprirent, hormis pour cet homme, pour le reste j'étais invisible.

Ça m'avait fait un pincement au cœur, je n'avais aucune relation avec eux mais un peu d'attention ne fait jamais de mal : « viens t'asseoir avec nous ».

Je n'ai jamais eu d'amis de toute ma vie, alors je ne sais pas vraiment ce que j'attendais d'eux, mais, un peu de bienveillance aurait soulagé mon cœur, surtout en ce moment.

J'avais descendu les immenses escaliers amenant au jardin à vingt mètres de leur table, je m'étais assise dans l'herbe.

L'air était froid, très froid, peut-être même trop froid, ce n'était pas une bonne idée de rester dehors avec ces températures mais eux le faisaient bien.

Oui, mais eux ce sont des loups. 

Et assise là dehors, me permettais de pouvoir remettre mes idées aux clairs, je n'avais pas toutes les clefs en main, mais je sentais que j'étais au cœur d'un grand projet d'un projet plus grand que moi, qui me dépassais. 

Il fallait que je parle à Aleph, lui seul pouvait me répondre. 

Je regardais la forêt, toujours cette même impression, toujours une certaine peur en le regardant.

J'entendais des rires derrière moi, puis l'instant d'après, plus rien, ils devaient être rentrés.

Je repensais quelques instants à ma vie avant Aleph, c'était une vie insignifiante, je n'avais pas de projet de vie,  peut-être que, finalement je pouvais rester à ses côtés ? c'était complètement fou de penser une chose pareille, mais je ne me voyais pas reprendre les études et mon quotidien.

Pas après avoir découvert ça. 

Impossible. 

En réalité, je ne me voyais rien faire, juste essayer de vivre.

C'était déjà trop compliqué pour moi.

Peut-être que je devais partir d'ici, il n'y avait rien pour moi.

Mes pensées étaient en pleine contradiction quand je sentis une présence à mes côtés, blasé, triste et déçue de la tournure des choses, j'avais tourné la tête sans grande inquiétude.

C'était lui, il était revenu, mon cœur s'emballa immédiatement.  

ALEPHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant