Chapitre 1

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289 Camden High St, Sulfolk Walk.

La connexion internet de Starbucks c'est vraiment de la merde. Ça fait maintenant une vingtaine de minutes que j'essaie d'envoyer un simple mail. En vain. Et dire que je viens ici exprès pour avoir internet. Quelle merde. Je termine mon refresha et me lèves en soupirant. Je range mon ordinateur et ma trousse dans mon sac en cuir et me dirige vers le comptoir pour commander une deuxième boisson avant de sortir. Tant qu'à faire foutu pour foutu. L'air frais de l'automne me fouette le visage, mais peu m'importe. Même si il faisait cinq degrés toute l'année je ne quitterais Londres pour rien au monde. Même si je dois me battre de manière incessante pour rester ici. C'est chez moi. Je ne saurais d'écrire l'amour que j'ai pour cette ville si gigantesque et animée.

« Excuse moi! »
Me dis un jeune homme vêtu d'une redingote en laine verte sapin après m'avoir bousculé. Étant perdue dans mes pensées je ne l'avais pas vu approcher même si je regardais en sa direction. Il se fond dans la foule en instant et je n'ai même pas le temps de lui répondre. Cela me fait prendre conscience qu'il est six heures du soir et je n'ai pas réussi à envoyer mon projet client. Je n'ai aucune envie de terminer ma journée idée. Je serais prête à passer sous les rails de l'underground pour ne pas rentrer chez Roy.
Pour faire simple Roy n'est pas un type sympa. J'habite chez lui depuis que j'ai déménagé de chez mes parents. Je voulais vivre mon rêve et venir bosser à la ville et pour ça quoi de mieux que mon copain vivant dans un des ses beaux quartiers. Je suis partis de Bristol et j'ai déposé mes valises à Londres, plus précisément chez Roy. Quelle belle idée de merde.

Je sors mon téléphone de la poche de ma veste en cuir après l'avoir sentis vibré. Accusé d'envois. C'est pas trop tôt. Aujourd'hui était la deadline de ce projet et si je ne l'envoyais pas avant la fin de la journée, je pouvais dire adieu à mon paiement. Les Fragment of Overkill ne sont pas du genre sympa. Enfin c'est ce qui est relaté à leur sujet. Personnellement je trouves que leur petit jeu du « qui est le plus fort » est ridicule. Mais j'ai besoin d'argent donc j'évites de jouer avec leurs nerfs. Ils m'ont demandé une pochette d'album ainsi qu'un logo et m'ont donné à peine deux semaines pour les réaliser. Le tout pour trois cents livres. C'est pas énorme je le sais mais c'est déjà ça. Si j'arrive à avoir une dizaine de commandes de ce genre dans le mois je pourrais enfin partir de chez Roy. Donc même si par moment les groupes avec qui je travailles sont dirigés par des sombres cons, je me tais et j'acceptes de leur mettre un squelette sur leur cover, comme tout le monde. On va pas se mentir les mecs du milieu métal, punk hardcore, et autres genre underground ne sont pas très originaux. Ils veulent un logo qui se lit pas très bien, pour paraître badass, mais qui se lit quand même pour satisfaire leurs égos. Mais aussi une cover bien thrash, très original, mais tous avec un squelette, un cadavre ou une forêt bien sombre. C'est redondant, mais avec l'habitude, je travailles plus vite.

Mon téléphone vibre à nouveau et cette fois ci c'est un message de Rich:
// Je suis au Black Heart si ça te dis. Il y a un concert ce soir. Les Dark je sais pas quoi. Du doom il me semble. Ça commence à 20h //

Bingo. La voilà mon excuse pour ne pas rentrer. Avec un peu de chance je pourrais même dormir chez lui. Rich est mon seul ami ici. C'était mon premier client. Il m'avait demandé un logo pour son groupe Venom Maze, on a bien sympathisé et depuis on se voit de temps en temps. Il est le seul à savoir ce qu'il se passe avec Roy, alors il me propose de l'accompagner dès qu'il a une soirée ou une occasion qui m'empêcherais de rentrer chez moi, ce qui n'est pas pour me déplaire.

Je fourre mon téléphone dans ma poche et dévale Camden High Street à grandes enjambées. Je passe devant le studio de piercings et de tatouages et j'ai un petit pincement au coeur en repensant au médusa que j'avais dû enlever à cause de Roy. J'adorais ce piercing mais mon copain n'était pas de cet avis. Pour ne pas le fâcher je l'avais enlever dans l'espoir de ne pas créer une histoire de plus. Depuis j'ai juste un petit trou pas totalement rebouché au dessus la lèvre supérieur en guise de souvenir.

Je tournes sur Greenland Street avant de remonter la petite ruelle où se trouves le Black Heart. La devanture noire métallique pourrait lui donner l'apparence d'un bar un peu chic. Mais une fois passé la porte, les décorations religieuses frôlant le blasphème mêlées aux posters de groupes de musique prouvent le contraire. Rich m'attend dans un coin du bar, assit autour d'une table en bois. Il est accompagné de deux personnes. Une fille aux cheveux noirs encadrant son visage à la peau sombre. Elle porte des vêtements colorés ainsi qu'un rouge à lèvres bleu qui fait ressortir ses yeux clairs. Elle est assise à côté de mon ami qui, comme à son habitude porte sa veste en cuir rouge jonchée de clous plus grands que son avenir. En me voyant Rich lèves sa main au vernis écaillé et me fait signe de le rejoindre. Je m'approche, faisant claquer les semelles de mes docs sur le parquet et m'installe avec eux.
- Vi! Ça fait plaisir de t'voir. Je pensais pas que tu serais là aussi vite. T'étais dans le coin ?

- J'étais au Starbuck dans la rue un peu plus haut. J'avais besoin de leur connexion internet mais comme je le pensais, elle est merdique.

- Essaie d'aller à celui qui est plus proche d'ici à côté du ciné. Celui là a une bien meilleur connexion, me dit la jeune fille haute en couleur.

Je lui adresse un sourire en guise de remerciement et Rich se charge de faire les présentations.
- Eli, je te présente Vivienne mais elle préfère qu'on l'appelle Vi.

La dénommée Eli imite une genre de révérence faisait cliqueter ses bracelets.
- Enchantée Vivienne, dit-elle avant que je la coupes.

- Comme l'a dit Richard Silas Brown, dis-je en appuyant sur son nom complet pour lui rendre la pareil, c'est Vi s'il te plais.

Elle hoche la tête en pouffant de rire en direction de mon ami qui me fusille du regard. Il reprend en me présentant à son deuxième compagnon de picole. Ses cheveux sont regroupé dans un chignon bancale et sa carrure imposante est renforcée par sa veste en cuir.
- Vi voici Al. Il s'appelle Alfred mais comme nous trois il préfère un diminutif.

Je salue Al qui détruit Rich rien qu'avec ses yeux. Les jointures de ses doigts passent aux blanc à force de serrer sa pinte. Il ne répond pas à la petit provocation de Rich mais je ne peux m'empêcher d'être curieuse.
- Et toi Eli quelle est ton prénom? Histoire qu'on soit tous sur un pied d'égalité.

Elle soupire et fini par me répondre en chuchotant presque:
- Elisabeth. J'ai des parents patriotes. Trop à mon goût. Tu m'appelles comme ça une fois et je te découpe la langue.

Je souris à sa menace qui ne m'effraie en rien.
- Tant que tu ne m'appelles pas Vivienne, tu n'as rien à craindre de ma part Elisabeth.

Nous éclatons de rire en chœur et je suis rassurée de voir qu'elle n'est pas aussi susceptible que je le pensais. Je me lèves pour commander une bière au bar. La choppe bien fraîche contraste avec ma main moite. Je retourne m'asseoir avec mes nouveaux amis. La soirée peut commencer.

Bloody HandsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant