Upper Holloway, Camden Town
Voilà dix minutes que j'attends à l'arrêt de métro désespérément. Je stress de croiser Roy ou un de ses types. J'essaie de me convaincre qu'il est mort, mais je n'ai pas vu son corps inerte. Je l'ai seulement vu tomber au sol. Non même pas vu, pour être exacte. Entendu. Je l'ai entendu tomber. C'est tout.
Black-out.
À part les bribes de récit d'Edgar je n'ai rien de plus.
Je montes dans le wagon en gardant ma capuche, tentant d'avoir l'apparence d'une personne détendue mais qu'il ne faut pas chercher. Je ne veux pas de contact, pas de communication, pas de regard, rien.
J'ai pris un trajet qui va en direction du sud de Londres. Le dernier arrêt est l'aéroport Heastrow. Je ne sais pas honnêtement où je vais ni même où je vais m'arrêter. Il va falloir que je prennes une décision au plus vite. Il faut que je quittes cette ville hanté par ce démon qui me traque. Et moi qui voulait partir pour rien au monde. Je ne peux pas laisser derrière moi tout ça. Rich, le Black Heart, le club, Al...
Je ne sais même pas où il est, et même si il est encore en vie. Mon coeur se serre à cette pensée que j'essaie de chasser au mieux. Les stations défilent et je ne suis toujours pas sortis.
Arsenal.
Holloway Road.
Caledonian Road.
King's Cross St. Pancras.La voilà ma clef de sorti. La gare par laquelle je suis arrivée ici.
Je sors de l'underground en montant les marches quatre par quatre et entre au plus vite dans le bâtiment qui habite cette gare mythique. Je regarde le tableau des départs et j'ai l'espoir d'y voir quelque chose d'aussi surréaliste que le poudlard express qui part dans dix minutes, quai neuf trois quart. Ça serait l'endroit idéal pour le planquer cela dit.
Je me concentre un instant et la solution apparaît comme par magie.
BRISTOL —— PLATFORM 3 ——— 6:10 AMJe fonce en direction du guichet sans prendre le temps à la réflexion. Une fois chez mes parents, je pourrais prétexter une visite amicale pendant un moment de congé et prendre le temps de mettre de l'ordre dans ma tête, d'appeler Al ou Rich, et de savoir dans quel merdier on se trouves exactement.
Je ne sais pas si c'est la meilleure des idées mais ça me parait la plus logique et safe.Me voilà installée sur le banc du quai trois à attendre ce foutu train. Je jettes un coup d'œil à ma montre, il me reste vingt minutes.
Je regarde autour de moi, tentant de me rassurer. Personne ne m'a suivis. Il ne sait pas que je suis ici. Je remarque une jeune femme avec un téléphone portable à la main. Je pourrais tenter de lui demander de l'emprunter et appeler Rich. C'est le seul numéro que je connaisse par coeur. Je l'ai appris le jour où je suis rentrée d'Ecosse. Il m'a obligé à l'apprendre me disant que ça me servirait un jour où j'aurais besoin de lui dans une situation de détresse.
Je me suis rapeller que Rich m'avait souvent aidé avant de protester. Je me suis surtout souvenu de la fois où Roy m'avait mis dehors et frappé tellement fort que j'avais du mal à respirer. J'avais arpenté les rues à la recherche d'une cabine téléphonique et appelé Rich. Il était venu me chercher sans demander plus d'informations sur ce qu'il m'était arrivé. Il m'avait emmené dans l'hôpital le plus proche et le diagnostic avait été très contraignant. Deux côtes cassées. J'avais du rester quelques mois tranquilles chez Roy sans pouvoir trop bouger. C'était les mois les plus calmes de notre relation. Il ne pouvait pas me reprocher grand chose étant donné que je ne sortais pas. Cela ne l'empêchais tout de même pas d'abuser de mon corps comme bon le semblait, je n'avais pas de force pour me débattre.Je secoue la tête pour revenir à la réalité et enfouir ce sombre souvenir au plus profond de ma mémoire. Je ne dois plus penser à ça. C'est du passé.
Je prend mon courage à deux mains et me lève pour interpeller la jeune blonde.
- S'il vous plaît, désolée de vous déranger, je n'ai plus de batterie et j'ai vraiment besoin d'appeler un ami. Je peux vous emprunter votre téléphone un instant. J'en ai pour cinq minutes.La demoiselle hésites un instant mais mon air désespéré a dû la convaincre étant donné qu'elle me passe son smartphone d'une main hésitante. Je tape le numéro de mon ami et appuis sur la touche verte.
Une sonnerie
Deux sonneries
Trois sonneriesPutain Rich réponds moi.
« - Allo?- Alors Rich? C'est Vi. Tu m'entends bien?
- Putain de bordel de merde Vi, où tu es ? Tu vas bien?
- Rich j'ai pas le temps. Je suis à la gare King Cross, je retournes à Bristol un moment il faut que je réfléchisse à tout ce qu'il vient de se passer. Juste je voulais m'assurer que tu vas bien et Al...
- Il est en vie, il te cherche. Il t'a appelé un nombre incalculable de fois. Les Pagans nous ont mené la vie dure pendant un bon moment mais on s'en est sorti. »
- Excuse moi, tu en as pour longtemps? Mon train est là, me dis la propriétaire du téléphone.
« Rich je dois te laisser. Je pars dans pas longtemps, je serais à Bristol. Je t'appelles dès que j'ai retrouvé de la batterie. Ne fais pas de bêtises. »
Je raccroche et tends le téléphone à la jeune femme en la remerciant avant d'aller m'asseoir à nouveau sur le banc en métal.
Trois minutes. Trois minutes et mon train arrive. Je prend une grande respiration et m'apprête à me diriger vers le bord du quai. Je me lèves et une main me bloque. Mon sang ne fait qu'un tour et je manque de m'évanouir. Il m'a retrouvé.
- Vivienne?Je me retourne en entendant sa voix grave et mon coeur se serre en voyant son visage lacéré. Son arcade sourcilière droite est en sang et sa lèvre fendue en deux. Ses mains abîmées passent autour de mon corps frêle caché sous ces vêtements oversize et il m'attire contre lui.
- Vivienne, par les dieux, tu vas bien. Je ne sais pas ce que j'aurais fait...Je l'embrasse pour le couper dans son monologue déprimant et ses mains attrapent mes hanches de toutes ses forces.
- Je ne veux pas que tu partes darling mais c'est la meilleure des solutions. Je suis venu te dire au revoir.Mes yeux s'emplissent de larmes et Al essuies mes joues avec ses pouces. Au revoir...
- Je ne veux pas partir Al... mais il faut que je m'éloigne un moment ça devient trop... trop...- Je sais darling je sais...
Je pose mes mains sur son torse avant de presser mon front contre le siens et ses yeux tombent sur la bague qu'il m'a offerte. Il prend ma main droite dans les siennes et enlève l'anneau de mon doigt. Il prend ma main gauche et m'interroge du regard. Je hoche la tête et un sourire se dessine sur son visage tuméfié. Il passe la bague à mon annulaire gauche et embrasse mon front en versant quelques larmes.
Une voix retentit dans le bâtiment pour informer que mon train va partir.
- Al je suis désolée je dois...Il écrase ses lèvres contre les miennes en pressant mon corps contre le siens. Je me perd dans notre baisé, essayant d'en enregistrer chaque seconde dans ma mémoire mais Al fini par me relâcher.
- Il faut que tu y ailles Vi.Je dépose un dernier baisé sur ses lèvres et m'en vais en direction du train sans un regard en arrière. Si je me retournes je ne partirais pas. Je m'installes sur un des sièges et les portes se ferment. Le train se met en marche.
C'est fini. Tout est fini. Retour à la case départ. À Bristol.
