3 Greenland Pl
Nous sommes le dix neuf décembre et ce soir c'est le dernier jour au Black Heart avant la fermeture. Pour clôturer l'année en beauté, Pierce a prévu un concert et une soirée plus longue. Nous fermons à trois heures du matin à la place de deux. Heureusement qu'après c'est les vacances et ça va me faire du bien. J'en ai vraiment besoin. Cela fait bien deux semaines que le club subit des interrogatoires au sujet de l'attaque des Pagans. Les armes à feu sont interdites en Angleterre et vu le raffut que l'altercation a causé, c'est remonté aux oreilles des forces de l'ordre. Depuis, le club fait profil bas pour ne pas éveiller les soupçons sur leurs différents trafics. Encore moins sur leur guerre contre les Pagans. Al m'a expliqué ne pas vouloir mettre la police au courant de leurs problèmes car moins ils en savent mieux c'est.
- Bonsoir, trois coca et une pinte de brune s'il te plais, me demande un svelte jeune homme blond.
Je prépare sa commande et lui tend le tout accompagné d'un sourire. Il remarque mon tatouage sur le poignet et ne peux s'empêcher de faire un commentaire avant de se fondre dans la fausse:
- Quelle belle philosophie.
Je te le fais pas dire mon gars. J'ai tellement appliqué ce crédo au pied de la lettre que je ne rentre assurément pas à Bristol pour noël. J'ai organisé un long week-end avec Rich à base de bières, film d'horreur et pizzas quatre fromages. Mon père a été déçu de savoir que je ne serais pas là mais j'avoue lui avoir menti en lui disant que j'avais du travail même pendant les fêtes.
« Trois deux un, c'est fini!!!!!! »
Tout le monde hurle un instant et la musique reprend pour une dernière chanson. Je regarde ma montre et elle affiche trois heures du matin.
Pierce me tend une bière et enlève son tablier pour le poser sur le comptoir. Il entrechoque sa choppe contre la mienne et Olivia se joint à nous en prenant place sur les tabouret de l'autre côté du meuble en bois.
- À la fin de cette année merdique, lance mon boss avant de descendre son demi litre de bière d'une traite.
Nous l'imitons et le bruit sourd du verre sur la table résonne dans le pièce. Pierce m'adresse un sourire sincère marquant les rides sur son visage. Lorsque j'ai accepter de travailler ici je ne pensais pas autant m'attacher à mes collègues. Même si Edmond est un peu plus distant, je l'apprécie tout autant. Olivia quand à elle passe beaucoup de temps avec le club dès qu'elle le peut. Et ce n'ai pas pour me déplaire je l'adore. Je ne sais pas grand chose d'elle mais le peux que j'en sais, je l'apprécie énormément.
Je vois Rich arriver à moitié en sautillant tel le farfadet qu'il est au quotidien.
Il grimpe presque sur le comptoir et me dit en souriant:
- Ma petite Vi, notre marathon va commencer. Va te changer on a pleins de films à regarder.
Il insiste sur le mot pleins en faisant des yeux tel un enfant devant une barba papa. Pierce m'indique d'un signe de tête de m'en aller. Je rejoins rapidement la réserve et passe le pull que j'ai définitivement volé à Al, par dessus le t-shirt à l'image du pub. J'enfiles ma veste en cuir d'hiver, celle qui est plus épaisse, ainsi que mon écharpe. Je prends mon sac sur le dos et sors du bar après avoir salué mes trois collègues. Les bikers sont dehors et comme d'habitude ils me proposent de partir en soirée avec eux.
- On va dans une soirée underground près du Camden Lock ça te tente Vi? Me demande Warren arquant son sourcil faisant bouger le tatouage qui trône juste au dessus.
- C'est gentil les gars mais là je vais rentrer, je vais prendre une douche et on va se poser devant un film.
- Oh Al, tu vas pas beaucoup dormir si vous « regardez » un film, le taquine Jake.
Il peut jamais se la fermer lui. À croire que les menaces de Al ne le ferrons jamais taire.
- Non Jake c'est pas avec moi qu'elle rentre mais avec Rich.
Tout le monde le siffle et je ne peux m'empêcher de rétablir la vérité. Je me cale dans les bras de Al et lui murmure à l'oreille:
- Tu sais très bien qu'il n'y a rien de plus que de l'amitié fraternelle entre Rich et moi.
Il dépose ses mains sur les reins et me rapproche de lui. Les gars sifflent à nouveau mais leur président n'y fait pas attention.
- Je le sais bien darling. Mais va le prouver à ces trous du cul. Ils croiront toujours ce qu'il veulent.
J'approche mes lèvres de son oreille après avoir passé mes bras autour de son cou.
- J'en suis pas si sûre moi.
Al me regarde avec un air de défi et j'écrase mes lèvres contre les siennes. Il agrippe mes fesses et je ne peux retenir un léger hoquet de surprise. Je le sens sourire contre mes lèvres, ce qui m'encourage à enfoncer mes ongles dans sa nuque. Il me relâche légèrement après un instant et tout les gars applaudissent.
- Si c'était pas encore clair maintenant ça l'est. Jake encore une remarque sur elle et je te coupe la queue.
Le brun se renfrogne mais ne dit rien de plus. Je peux tout de même voir un sourire apparaître sur son visage barbu. Je me détache de Al et je veux rejoindre Rich mais le biker me retient par le poignet. Il m'approche de lui et me dit à voix basse:
- Je rentres pas tard. Dors dans mon lit ce soir, le tiens est pas confortable et j'ai envie de t'avoir dans mes bras.
Il me relâche et s'en va dans la nuit éclairée par les lampadaires de Camden, les cheveux au vent.
281 Royal College St, Camden Town
Il est cinq heures du matin quand nous nous décidons enfin à aller nous coucher. Nous avons descendu deux pizzas ainsi qu'un bon litre et demi de bière chacun. Rich a passé un large pull ainsi qu'un short de rugby et les chaussettes qui vont avec. Il a l'air si ridicule. Ses cheveux sont en bataille, sa crête se casse la gueule d'un côté et s'en est plus que risible. J'esquisse un sourire en le regardant dormir à moitié, les bras croisé sur sa potine, laissant apparaître ses ongles mal vernis. Je devrais pas trop critiquer la tenue de Rich parce que la mienne n'est pas mieux. Je portes un très large pantalon de jogging avec un t-shirt appartenant à Al. Autant dire qu'il est trois fois trop grand pour moi.
- Aller la belle aux bois dormant. On se réveille et on va se coucher.
Ma phrase n'a aucun sens. Mais ça suffit à réveiller le punk, qui finit par traîner la patte vers ma chambre. J'entends la porte claquer suivit d'un bruit sourd. Ce crétin s'est laissé tombé sur le lit tel un poids mort. Je débarrasse la table et m'engouffre dans les draps sombres du lit de Al. Comme il me l'a suggéré, j'ai préféré dormir dans sa chambre, laissant la mienne à Rich. Et en outre la question pratique, j'ai très envie de dormir avec lui. La dernière nuit que nous avons passée ensemble était très apaisante. Son contact me rassure étonnement beaucoup. Je n'ai pas été aussi sereine depuis des années. Depuis que je connais Roy à vrai dire. Enfin Roy, Reese je devrais plutôt dire. J'ai eu un peu de mal à accepter tout ça mais j'ai fini par me dire que c'était mieux ainsi. L'homme que j'avais aimé et qui m'avait détruite n'existait en réalité, pas. Du moins en quelque sorte.
