CHAPITRE 19

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San venait de m'annoncer l'heure, cette notion qu'il m'avait apprise le matin même, encore des mots sortis de nulle part. Nous allions aux cultures où, comme toujours, je voyais ma mère, les jumelles et cette fois-ci Ashaisha et Leïka en plus.

Je voulus montrer à San comment se passait réellement la pousse de notre nourriture, depuis sa plantation jusqu'à ce que nous l'enlevions de sa terre.

Ici vous avez les trois sœurs. Ce sont des plantes que nous cultivons tout au long de l'année si la nature nous le permet. Vous avez ici de la courge, du maïs, et là des haricots.

Et vous arrivez à vous en sortir avec des objets à matériaux aussi réduits ? Vous n'utilisez que du bois et de la pierre ?

Oui, et cela nous a toujours suffi. Tout ce qui vous sert à faire vos armes, nous n'avons pas de ça ici.

Nos armes ?

Ce que vous avez là, dis-je en saisissant de son étui une grande lame brillante grise. Vous n'allez pas me faire croire que ce n'est pas une arme, ça me semble plus tranchant que tout ce que j'ai pu voir jusqu'à aujourd'hui, et en plus c'est long et couvert de sang.

C'est vrai, vous avez raison c'est bien une arme. Une épée ça s'appelle. Et quand on y pense, il est sûrement bon de ne pas en avoir là. C'est synonyme de guerre, de conflit. Je trouve que ce n'est jamais bon signe de se promener avec ça sur soi.

Alors pourquoi l'avoir emmenée ici ? demanda une voix masculine derrière lui.

Yuma, arrête d'être aussi irrespectueux enfin, lui répondit Ashaisha.

Je demande comme ça. Mais enfin, vous trouvez ça normal qu'un étranger vienne sur notre terre alors que nous avons juste reconstruit le strict minimum car ses alliés et lui ont tout détruit ? Eh oui, je vous rappelle que c'est à cause de gens comme lui que nous en sommes là !

Yuma il n'est pas du tout comme ça... intervins-je.

Oh et toi tais-toi s'il-te-plaît, coupa-t-il. J'ai compris que tu le surprotèges, mais quand il te plantera cette chose en plein cœur parce que ça lui fera plaisir il sera trop tard.

San n'est pas comme ça !

Ils sont tous comme ça ! cria-t-il en se rendant vers son tipi.

Je baissai la tête sans n'oser regarder celui qu'il avait accusé à tord, déçue et honteuse de son comportement.

Monsieur San, je suis désolée qu'il ait réagi ainsi... je comprendrais que vous soyez vexé de sa réaction...

Ne soyez pas désolée, me coupa-t-il. Il a le droit de s'inquiéter, cela paraît normal. Et arrêtez de m'appeler monsieur. Nous avons presque le même âge.

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Après cette courte altercation que San avait eue avec Yuma, Tyee lui avait donné l'autorisation de rester pour une cérémonie que nous faisions à chaque pleine Lune.

Comme à chaque fois je m'étais parée pour l'événement, mais cette nuit-là j'avais fait un petit effort supplémentaire, ne sachant trop dans quel domaine. Peut-être celui de la gaieté.

Je retrouvai San en sortant de mon léger tipi dont ma mère venait de finir la décoration, un grand sourire animant mon visage. Sa réaction en me voyant ne fut pas des plus discrètes.

Ouh... vous êtes... je ne m'attendais guère à cela. Oh je suis curieux... vous portez beaucoup de colliers, et de bracelets, vos bras sont dissimulés ! Ne vous font-ils pas de mal ?

Non ne vous en faîtes pas, je les porte à chaque cérémonie.

C'est incroyable, vous portez beaucoup de bijoux et pourtant je ne pensais pas cela de votre peuple. Des coquillages sur vos bracelets... où les avez-vous trouvés ?

Ils viennent de nos ancêtres. Ma mère me l'a transmis de mon arrière-grand-mère quand je suis née. Et elle l'avait aussi reçu des générations passées. Et puis, si moi je vous impressionne, vous n'êtes pas prêt à voir notre chef !

Nous nous rendîmes vers le feu que Tyee et Yuma commençaient à allumer, retrouvant ma mère qui sourit à San. Elle semblait beaucoup l'apprécier, peut-être même un peu trop.

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La nuit passa rapidement. Nous avions passé tous les rituels, les chants traditionnels, le sacrifice ; la nuit était déjà bien avancée lorsque San m'annonça qu'il se dût de retourner auprès des siens. Je lui souhaitai alors une bonne nuit, et il partit sur son cheval noir qu'il récupéra dans l'enclos. Tala, en parallèle, me parla de l'affection qu'elle avait commencé à avoir pour ce garçon.

La Terre promise - SanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant