Je me réveillai au lever du soleil, encore épuisée par l'horrible nuit que je venais de passer. Les cauchemars avaient déferlés dans ma tête, et la vision de San mort était celui qui me revint le plus.
Je fus rassurée lorsque je sentis sa main que j'avais gardée toute la nuit faire une pression sur la mienne, suivie d'un marmonnement accompagnant généralement des étirements. San demeura allongé, mais tourna la tête vers moi avec un timide sourire, qui me fit chaud au cœur. Il avait repris des couleurs et semblait plus en forme que la veille.
— J'espère que tenir compagnie à un homme aussi fatigué que je l'étais hier n'a pas été un supplice pour vous.
— Ce n'était pas vraiment la question de vous tenir compagnie qui m'inquiétait le plus si vous voulez savoir. Je ne me voyais pas vous laisser seul. Vous avez bien dormi ?
— Je me sens revigoré. Et vous ?
— Je ne vais pas vous mentir mais le sol est inconfortable. J'ai mal au dos. Et puis je n'ai pas arrêté de faire des cauchemars. Mais là n'est pas le plus important. Vous pouvez vous asseoir ?
Il essaya et commença à grimacer, mais il parvint à se redresser. Ashaisha apparut au même moment dans le tipi, et fut surprise de voir que San était déjà dans un meilleur état qu'elle ne l'avait vu hier. Je l'aidais à demeurer assis, debout à côté de lui, mais d'après l'expression de celle qui venait d'arriver, c'était plus qu'inespéré.
— Eh bien j'ai l'impression que vous êtes motivé à vous remettre sur pieds ! Vous vous sentez mieux ? lui demanda-t-elle en tâtant ses jambes, ce qui ne sembla rien faire à San, ni douleur, ni sensation désagréable ou agréable.
— Oui, j'ai très bien dormi, enfin, mieux que là où j'étais censé rester en tout cas.
— Ne dîtes pas ça imbécile, fis-je en lui mettant une petite tape sur l'épaule. J'avais bien sûr pris mes précautions et avais fait attention à ne pas taper là où il était blessé. Mais je n'acceptais pas l'évidence que si Leïka ne l'avait pas vu, il ne serait plus de ce monde.
— Bon, déjà vous êtes hors de danger, me ramena Ashaisha. Votre blessure va mettre beaucoup, mais vraiment beaucoup de temps à cicatriser, et vous aurez toujours une marque de cette attaque. Mais au moins vous êtes vivant, sourit-elle en me regardant, voyant que j'étais heureuse de savoir qu'il était toujours à mes côtés. Maintenant, malheureusement il y a quelque chose de moins joyeux que j'ai à vous annoncer ; votre plaie étant très profonde a touché certaines parties de votre jambe qui ne fonctionneront plus comme avant, et pour certaines plus du tout. Alors... il va falloir que vous réappreniez à marcher.
— Vous voulez dire que... si je me mets debout maintenant, je tombe ?
— Oui. Désolée d'être aussi brutale, mais n'essayez pas sans que quelqu'un se tienne à côté de vous.
— Je... je comprends bien. Merci Ashaisha.
— Je vous laisse tous les deux ici, finit-elle en regagnant la sortie du tipi. San se tourna vers moi qui passai mes bras autour de son cou et me rapprochai de lui. Je sentis son souffle chaud et rassurant contre mon ventre, et une de ses mains se placer dans mon dos.
— Je ne vous laisserai plus filer quand je ne le sentirai pas, lui dis-je la voix tremblante.
— Et moi quand vous ne le sentirez pas je vous écouterai.
— Je n'aurais pas imaginé me résoudre à vous avoir perdu pour de bon. Vous ne vous rendez pas compte à quel point j'ai besoin de vous maintenant. Vous faites partie de ma vie.
— Je pourrais vous dire la même chose.
Je m'éloignai de lui et me rassis sur la peau de bête qui m'avait servie à dormir, et contemplai le sol, essayant de comprendre comment était-il possible d'en arriver à ce stade où il aurait pu perdre l'usage de sa jambe.
— Comment est-ce arrivé ? me résolus-je finalement à lui demander.
— Eh bien, nous étions en train de chasser très banalement, Yuma avec ses techniques et moi avec les miennes, nous n'employions aucune communication puisqu'il... me manquait un peu de respect on va dire. Et soudainement je me suis retrouvé face à un ours, gigantesque. J'ai été pris de court, je n'ai pas eu le temps de réagir que le voilà me griffant lourdement la cuisse, m'entraînant dans une chute de Brin d'Osier.
— Et Yuma pendant ce temps-là ? demandai-je, surprise qu'il n'eût pas agis en voyant la détresse de San.
— J'avais l'impression qu'il jubilait. Il était heureux de me voir presque meurtri. J'avais mal, et plus j'avais mal plus il souriait. Entre mes cris je l'ai entendu prononcer votre nom mais je ne sais pas ce qu'il disait. Puis il a tué l'ours sauvagement, un peu trop à mon goût, et s'est emparé d'une de ses dents qu'il a brandie devant moi en me criant que c'était grâce à moi qu'il l'avait eue, mais qu'il me détestait tellement qu'il préférait me laisser crever là.
Je l'écoutai me raconter ça en sentant monter les larmes. Yuma, que je connaissais depuis ma plus tendre enfance, qui m'avait vue naître alors qu'il n'avait que deux ans, que mon père avait pris sur les genoux pour lui montrer mon lit de bébé entièrement fait en bois par lui-même, son père et le mien étaient les meilleurs amis qui pussent exister... voilà. Ce même Yuma avait essayé de tuer l'une des personnes à ce jour les plus chères à mon cœur.
— Ne pleurez pas, continua San. C'est grâce à vous que je suis toujours là.
— C'est faux.
— Non, je vous promets. La douleur était intense et je n'avais qu'une envie, c'était que le sol s'ouvrît et m'avalât d'un croc. Je ne voulais plus rien, et j'ai pensé à vous. Qu'a dit Yuma lorsqu'il a prononcé votre prénom pour oser ensuite tuer un ours aussi sauvagement ? Et puis je vous ai imaginée à son bras le jour qui suivrait ma mort. C'était laid.
— Alors au bras de qui me voyez-vous ?
— Au bras de celui qui saura vous rendre heureuse Zaltana.
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La Terre promise - San
Fiksi Penggemar1534. Amahevane, là où elle avait tout pour être heureuse. Mais son train de vie et son rêve basculent lorsqu'elle et tout son entourage sont pris de court par des étrangers saccageant leur terre. Comporte des scènes de violence. Début le : 27-04-20...