Une sonnerie aiguë me tire brusquement du sommeil. J'entrouvre les yeux et me sens un instant perdue. Je ne sais plus quelle heure il est, où je suis et d'où vient cette foutue sonnerie ! Mes pupilles s'habituent progressivement à l'obscurité de la chambre, je perçois mon pyjama en boule sur le sol, les draps qui ne sont pas les miens. Quand je me tourne à ma droite, ils caressent mon corps nu et mes yeux rencontrent le dos de Heathcliff tout aussi vierge de tissus. Je frotte mes points sur mes paupières alors qu'un bâillement bruyant s'échappe de ma gorge. Il se retourne vers moi, visiblement surpris de me voir éveillé. Il se baisse pour caresser mon visage et mes cheveux du bout des doigts comme on le ferait avec un enfant pour le rendormir.
—Désolé, je ne voulais pas te réveiller, il murmure avec un voix rauque du matin.
Je m'assois dans le lit tout en tirant la couverture sur moi, subitement intimidée après avoir partagé cette étreinte charnelle avec lui. Il sourit devant ma tentative de cacher ma poitrine et se baisse pour ramasser ma chemise de nuit. Je le remercie dans un bâillement et passe le vêtement.
—Quelle heure est-il ? je demande en passant la main de mes joues à mes cheveux comme pour me sortir de cette étrange torpeure.
Il se lève, attrape ses vêtements soigneusement pliée sur un fauteuil et commence par enfiler son caleçon :
—6h30. J'ai reussi a avoir un vol à 7h30.—Oh, je lâche déçue, je pensais que tu resterais peut-être plus longtemps.
Je baisse les yeux vers les draps qui ont vu naître notre intimité et les lisses du plat de la main pour ne pas le voir s'habiller. Il remarque ma déception et retourne s'asseoir près de moi.
—Désolé, ce n'est vraiment pas possible, il soupire en me caressant tendrement la joue, mais tu peux rentrer avec moi à Londres si tu veux.—Tu veux que j'écourte mes vacances avec ma famille que je n'ai pas vu depuis des mois pour te suivre à Londres, je grimace.
—Vu comme ça, c'est vrai que c'est un peu maladroit, il sourit tristement, désolé mais maintenant que j'ai goûté au plaisir d'être avec toi, je ne suis pas sûr d'être prêt à ne plus te voir pendant une semaine...
—Alors reste, j'insiste en attrapant sa main, qu'est-ce qui est si impératif à Londres ?
Il retire sa main et répond d'un ton brusquement froid :
—Tu sais que je ne peux pas Victoria.—J'avais espéré que les choses seraient différentes maintenant, je murmure, comme pour moi-même.
—Et je t'assure qu'elles le sont, il répond avant de déposer un rapide baiser sur mes lèvres.
Il se relève du lit et j'ai soudain froid, de nouveau seule entre les draps qui respirent toujours son parfum. Je ramène mes genoux contre moi alors qu'il termine d'emballer ses quelques affaires. Malgré la semi-obscurité, je remarque la peine qui l'envahit alors qui charge son sac sur son épaule. Je me lève pour l'accompagner jusqu'à la porte de la chambre. Je n'ai pas le courage de rester sur le perron et le voir s'éloigner sous la lumière de l'aube. Il hésite avant de me coller de nouveau contre lui, et je retrouve l'homme avec qui j'ai partagé cette nuit. Il embrasse longuement mes lèvres, les mains dans mon dos pour diminuer encore davantage les distances entre nous. J'enroule mes bras autour de son cou et me hisse sur la pointe des pieds pour mettre la même ardeur dans mes adieux. Car c'est bien ce à quoi cela ressemble. Deux amants qui ont partagé une nuit passionnée, mais qui n'ont pas la certitude de se revoir. En tout cas pas dans les mêmes conditions.
Je le suit des yeux quand il descend sur la pointe des pieds les escaliers. Avant de passer la porte d'entrée, il me jette un dernier regard et je croise son regard empli d'affection mais aussi de regrets. J'ai a peine le temps de lui faire un petit signe de la main qu'il s'engouffre dans la fraîcheur matinale. Je n'ai pas le courage de le regarder quitter l'allée en voiture et encore moins de retourner dormir dans le lit où nous étions ensemble il n'y a même pas une heure. Je ferme donc la porte de la chambre d'amis et me faufile jusqu'à ma propre chambre. Mon lit est toujours défait, les draps en bazar et le carnet ouvert à même le sol. Je le ramasse pour le ranger soigneusement sur ma commode. J'aurais peut-être dû le lui rendre. Après tout, maintenant je n'en ai plus besoin...
Je me glisse entre mes draps, persuadée que je ne trouverais pas le sommeil de sitôt. Mais à peine la tête couchée sur l'oreiller, je me sens comme assaillie par tous les événements de la journée et de la nuit, une grande fatigue m'envahit brusquement. Mes yeux se ferment tous seuls et je sombre dans un profond sommeil.

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Call me Lady
RomanceVictoria quitte sa campagne irlandaise natale pour partir vivre à Londres où elle a été engagée comme journaliste dans un magasine très en vogue. Le premier dossier de Victoria est un article sur l'aristocratie britannique qu'elle doit dépeindre sou...