Chapitre 22.

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"J'ai pensé a toi toute l'après-midi en contemplant la Tamise. Hâte de sentir tes lèvres sur les miennes demain soir."

Je souris comme une idiote en relisant pour la énième fois le sms que m'a envoyé Heathcliff hier soir. Visiblement, les conseils bidons que j'ai donnés à Margaret pour l'attirer dans ses filets n'ont pas marché. Même si je n'aime pas l'admettre, ce n'est pas pour me déplaire. Je trépigne tellement d'impatience que j'ai du mal à rester assise à mon bureau depuis le début de la journée. Mon article est toujours au point mort mais je suis passée maître dans l'art de gagner du temps avec Hannah Harmon. J'ai bien insisté sur le fait que j'ai besoin de temps pour composer un article parfait et elle tient trop a son futur buzz pour m'embêter.
Alors que je vérifie l'heure pour la énième fois de l'après-midi, Thomas surgit de derrière un bureau. Cela fait des semaines que je n'ai pas croisé le photographe écossais et quelque chose que la manière dont il se précipite vers moi n'augure rien de bon.

—Tu savais que Sara sortait avec Cassandra Neville ?! il s'exclame dès qu'il arrive à mon niveau.

J'hausse les épaules, les yeux fixés sur mes ongles : —Je savais qu'elles étaient proches oui...

Il se laisse tomber sur le coin de mon bureau, les bras ballants. Il marque une pause avant de soupirer sans me regarder :
—En tout cas j'aurais aimé être mis au courant avant de tomber par hasard sur elles dans notre pub favoris...

Sa voix faible me fait de la peine. Je sais qu'il est toujours attiré par Sara même si cela fait bien comprendre qu'elle ne serait jamais attirée par lui. Alors je pose ma main sur son avant-bras.

—C'est vrai qu'elle aurait peut-être dû t'en parler, surtout en connaissant tes... sentiments a son egard, je le réconforte du mieux que je peux, mais tu sais que Sara ne les partagera jamais.
Un instant j'ai peur qu'il se mette à pleurer et que je doive sacrifier ma soirée pour le consoler. Mais malgré son corps maigre qui paraît encore plus fragile avec les épaules voûtés, il tient bon.

—Et puis me dis pas que tu n'as aucun moyen de rencontrer des filles hétéro, j'insiste lourdement sur mon dernier mots, tu pourrais t'inscrire sur des applis de rencontres par exemple.

—Je ne cherche pas un coup d'un soir Victoria, je cherche le grand amour.

Je n'ai jamais vu un gars avoué sans aucune gène etre un romantique en quête de la femme de sa vie. Cela me touche encore plus et mon envie de l'aider se fait plus forte. Je réfléchit un court instant avant de tourner la tête vers lui :
—Ecoute Thomas, là maintenant je ne sais pas comment t'aider mais je te promet de trouver une solution pour te caser avec la femme parfaite d'ici la fin de l'année.

—Tu es ambitieuse, il pouffe tristement.

Au même instant, l'alarme que j'ai mise sur mon téléphone pour me faire partir a l'heure retentit. J'éteins donc mon ordinateur en vitesse avant de me lever.

—C'est mon deuxième prénom, je ris en poussant ma chaise contre mon bureau, sérieusement Thomas je vais t'aider.

Il me remercie d'un hochement de tête reconnaissant puis je m'empresse de m'éclipser sans croiser Hannah Armon. Une fois dans l'ascenseur, je sors de mon sac la liste de course que j'ai griffonnée en vitesse ce matin. Si je suis aussi pressée de retrouver Heathcliff aujourd'hui, c'est parce que c'est la première fois que nous nous retrouvons dans mon appartement et je veux que tout soit parfait. Au début je pensais impossible de l'emmener chez moi, c'est tellement différent de là où il vit ! Mais plus je passe de temps avec lui, plus je me sens légitime à être moi-même. Comme s'il n'y avait aucun tabous entre nous, que nous étions les deux pièces d'un même puzzle.
Je vais d'abord chez le boucher pour acheter de la viande de meilleure qualité pour préparer le repas de ce soir, puis je passe chez les fleuriste où je récupère un bouquet champêtre pour égayer ma petite chambre. Je rentre chez moi les bras chargés de sac que je dépose dans la cuisine. Je jette un coup d'œil une fois de plus à l'heure —j'ai arrêté de compter combien de fois depuis longtemps — et commence ma préparation. Je ne suis pas une as en cuisine, mais à force d'avoir assisté ma sœur Mary dans la préparation de nos nombreux repas de famille, j'ai des bases solides. Je sors la viande d'agneau de son emballage puis tout le nécessaire pour cuisiner un Irish Stew. En vrai Irlandaise du Nord je connais par cœur le goût de cette spécialité locale, mais je suis loin d'en connaître la recette. J'étudie donc consciencieusement les photos du vieux livre de cuisine familial que m'a envoyé Mary, pour reproduire mon plat préféré au mieux. Il me faut plus d'une heure pour comprendre comment cuire la viande mais je ne me laisse pas abattre. Je finis par faire mijoter un mélange plutôt potable. L'heure m'indique que Heathcliff ne devrait plus tarder alors je me précipite dans ma douhce pour me débarrasser de cette odeur de viande fumée. J'enfile ma robe préférée de celles que j'ai achetées avec Sara, la mousseline blanche et vaporeuse s'arrête au niveau de mes genoux et ses manches ballons me donnent un air enfantin. J'attache les deux mèches avant de les cheveux pour dégager mon visage puis me maquille très légèrement. Quand je retourne dans le séjour, il est 20 heures pile, alors je m'assois sur mon lit en attendant Heathcliff. Au bout de cinq minutes je me lève pour récupérer mon portable. Je vérifie que j'ai bien lu l'heure et m'occupe en surfant sur Internet. Je regarde les photos que Mary a posté sur Instagram, puis la story de Sara chez sa nouvelle petite-amie. Puis je me laisse distraire par une vidéo sur le danger des grandes villes que mon père m'a envoyé sur Facebook. Elle dure trente minutes, je ne vais pas pouvoir la regarder jusqu'au bout mais cela pourra au moins m'empêcher de tendre l'oreille vers le couloir toutes les cinq secondes. Mais quand le générique du documentaire s'affiche, je dois me rendre à l'évidence : il est en retard. A 20h45 je lui envoie un message :

Call me LadyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant