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Septembre


— Noa ? Tu es prête ?

Non, vraiment pas.

Pour ça, il faudrait que je sois habillée avec autre chose qu'un jean trop large et un sweat ample, que mes cheveux ne soient pas attachés en une queue de cheval déjà bien malmenée et que mon visage ne ressemble pas à celui d'un zombie en pleine apocalypse.

Non, effectivement, je ne suis pas prête. Pas plus que la nuit dernière. Pas plus que l'année dernière, non plus.

Je ne suis pas prête à revoir tous ces visages remplis de haine, ou de peine. Et je ne suis pas non plus prête à lire en eux ce que je lis en moi chaque jour.

En réalité, j'ai peur. Je suis inquiète. Un peu pour moi, mais beaucoup pour ma mère. Parce que si je crois que je suis capable de les affronter, je ne suis pas sûre qu'elle y arrive. Qu'elle en a la force !

Alors, même si je pense le contraire, pour ne pas agrémenter ses souffrances et son anxiété, je réponds simplement :

— Oui, bien sûr.

Un sourire travaillé au visage à force de faire semblant et me voilà parfaite. Ma mère paraît satisfaite et moi, je descends de la voiture en croisant les doigts, comme si ça pouvait suffire à dissimuler mes mensonges.




***




Nouvelle année, nouveau départ.

C'est valable quand on a dix-sept ans et une année pleine de mauvaises notes derrière nous. Quand on a eu des tonnes de mecs et qu'on veut se refaire valoir une réputation correcte et digne de ce nom. Quand on a consommé un peu trop d'alcool à un peu trop de fêtes et qu'on souhaite changer ça.

Mais pas quand on a un père assassin.

Quand on a cette sorte de parent, on continue de vous dévisager le plus mal possible. Les bruits de couloirs ne cessent pas, pas même des mois plus tard. Vous n'arrêtez pas d'être la cible des ralliements, des chuchotements et vous êtes constamment jugée coupable.

Aussi coupable que lui.

Je m'attendais à ce genre de réaction. Les regards un peu trop persistants, les gens qui changent de direction en me voyant, les amis qui font semblant de ne plus me connaître. En revanche, je ne m'attendais pas à ce que ça me touche autant.

Je pensais m'être forgé une carapace aussi solide qu'un roc et que celle-ci s'adapterait à la situation. Je n'ai pas eu le choix, j'ai dû apprendre à vivre avec et ça dure depuis quelques mois déjà.

Mais je ne pensais pas que cette protection disparaîtrait à l'instant même où je remettrais un pied dans ce lycée. Ni que j'aurais autant la sensation d'être coupable. Parce que oui, à cet instant, je sais que je le suis.

J'avance en me faisant minuscule et en essayant d'ignorer les regards réprobateurs à mon égard. Quand j'arrive enfin à hauteur de mon casier, je suis ravie de constater que la seule personne qui ne m'a pas abandonnée m'attend sagement devant.

— Salut, Noa. Quoi de neuf ?

Maddy mâche son chewing-gum avec entrain.

Ses longs cheveux roux tombent parfaitement de part et d'autre de ses épaules et ses yeux aussi verts qu'une bouteille de bière me dévisagent gaiement.

Elle me sourit et l'espace d'un instant, j'oublie tout. Juste deux secondes, car en regardant autour de moi, les choses et les quoi de neuf ne sont finalement pas très difficiles à deviner. Le quotidien me revient comme une gifle en pleine face et me réveille brusquement.

— Tout le monde me fixe, soupiré-je en ouvrant mon casier pour y fourrer mes livres.

— Mais non, assure-t-elle. Regarde, ce mec ne t'observe pas.

D'un mouvement de tête, elle désigne le seul lycéen présent dans le coin qui n'a pas les yeux rivés sur nous. En effet, il a l'air concentré sur autre chose.

Cependant, ça ne dure pas bien longtemps, car il relève son visage vers moi et une moue étrange y prend place.

— Oh, si. Il te regarde aussi... souffle-t-elle alors, désemparée. Bon, d'accord, c'est vrai. Mais ce n'est pas si grave, dans quelques jours ils auront tout oublié et les choses reprendront leurs cours. Tu sais comment ça se passe, Noa...

Je la dévisage, les sourcils haussés.

— Si tu en es si sûre, pourquoi fais-tu cette tête ?

Elle se mord la lèvre sans répondre avant que son regard ne se perde derrière moi. Ses yeux s'arrondissent alors comme des soucoupes.

— Woh. Mais qui c'est, ce canon ?! lâche-t-elle d'une voix trop aiguë.

Je suis son regard jusqu'au type qui avance sans se préoccuper de ce qui se passe autour de lui. Brun, très grand, des cheveux cachés sous une casquette, des yeux bleu sombre et des traits trop durs pour un lycéen.

Il nous frôle, me lance un regard détaché qui me paralyse presque, puis disparaît au fond du couloir.

Les chuchotements reprennent, mais cette fois-ci, plus personne ne parle de moi. Maddy a peut-être raison, finalement. Peut-être que les choses peuvent se tasser avec un peu de temps et de distraction.

Et en l'occurrence, si j'en crois les bruits de couloir, cette distraction à un nom.

Arès Santos.



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