8.

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— Rappelle-moi ce que tu fais là ? bougonné-je.

— Je cherchais la salle de chimie et tu t'es montrée assez gentille pour m'y emmener.

Le sourire enjôleur d'Arès me fait tourner la tête. Au sens propre, comme au figuré. Je détourne les yeux pour regarder droit devant moi et échapper à ce sentiment qui s'empare de moi à chacune de ses paroles.

— Dis plutôt que tu t'es invité sur ma route et as décrété que je t'y conduirais. Seulement, je ne te permets pas d'insulter mon tee-shirt, affirmé-je en redressant la nuque.

— Très bien, admet-il en levant les mains en l'air. Essaye juste d'éviter de porter les fall out boys quand je suis dans les parages, dans ce cas.

Je lui assène un petit coup sur le bras qui lui soutire un rire bref, mais adorable.

— Qu'est-ce que tu leur reproches ? demandé-je sur un ton plus léger.

Il fait mine de réfléchir en me dévisageant. Je me mords la lèvre pour retenir mon hilarité.

Ses cheveux bruns sont coiffés négligemment sur le côté. Ils semblent plus longs qu'avant, mais je crois que je préfère.

Ses yeux bleu sombre sont plus distincts aujourd'hui, sans trouble et sans lueur orageuse. Ses sourcils sont froncés, signe de la confusion qui traverse sa tête.

C'est la première fois que je prends le temps de bien détailler son visage. Il faut dire que c'est la première fois qu'on se retrouve ainsi, lui et moi, comme deux vieilles connaissances prêtes à déconner.

J'adore son sourire. Et je peux dire que je regrette qu'il ne soit pas plus souvent présent. Mais que puis-je dire, après tout, quand le mien n'existe plus ? Quand il est mort, sauvagement, en même temps que chaque victime ? Quand petit bout par petit bout, je me suis consumée en essayant de comprendre ?

Rien. Je ne peux rien dire.

Et Arès vient me sauver de ma prison morale.

— D'accord, ils ont cartonné sur une chanson ou deux et après ?

Il hausse un sourcil quand je fronce les miens, presque vexée.

— Moi, je les adore.

Son regard dévie vers le ciel juste avant qu'il ne se frotte le visage, résigné. Je souris pour affirmer :

— Nous sommes arrivés...

Il relève la tête pour contempler les lieux et sans véritable réaction, opine du chef

— Je sais.

Alors que je saisis qu'en fait depuis le début il savait exactement où était située cette salle, il me dévisage, fier et assuré. Je m'amuse de mon innocence et de son aisance à être comme il est. Droit, sérieux, mais à la fois drôle et courageux. Et véritablement malicieux, quand il veut.

Je m'apprête à lui demander quelles sont les vraies raisons de ma venue ici, quand quelqu'un me bouscule l'épaule avec violence.

Je me retiens de mes mains quand mon corps cogne le sol. En relevant la tête, un visage anciennement familier me fait face.

Sharrow.

Mon copain. Ex-copain. Le type avec qui j'étais juste avant que mon père ne soit désigné coupable.

Arès me tend la main, la figure soudainement refermée. Il m'aide à me relever en me demandant si tout va bien et je réponds que oui, malgré la douleur inéluctable de mon poignet droit.

Après ça, il se retourne brusquement. Sa vision change et noircit à mesure qu'il détaille son opposant.

— Tu pourrais t'excuser.

Le ton sec qu'il emploie laisse présager le pire. Mais je connais Sharrow et il n'est pas du genre à renoncer non plus, surtout lorsqu'il est accompagné de sa bande.

Il vient se placer doucement devant moi, sans prendre la peine de répondre à la requête d'Arès, le regard pétillant d'une méchanceté incontrôlable.

— Je ne t'ai pas vu, siffle-t-il en ignorant les yeux sombres de mon voisin.

Je sens celui-ci se tendre à mes côtés. Il passe devant moi et bouscule sans ménagement. Sharrow qui recule de quelques pas sous le choc.

— J'ai dit : tu pourrais t'excuser.

Il réitère, la voix rauque de colère qui me file des frissons dans tout le corps. Je pose mes doigts sur son bras en voyant le groupe d'amis de Sharrow s'avancer. Le palpitant en action, je lui intime silencieusement et d'un coup d'œil suppliant de ne pas perdre son temps.

Il déglutit durement en me regardant droit dans les yeux, puis soupire en attrapant ma main pour me tirer loin de son rival et des autres.

— Si c'est comme ça que tu penses pouvoir la baiser, tu te plantes, Santos, s'exclame mon ex derrière nous. Avec elle, un coup de reins ça se mérite. Je sais de quoi je parle, elle utilise aussi bien sa bouche que son père manipule le couteau.

Je serre les dents pour empêcher quelconques larmes de couler. Je ne veux pas lui montrer que ça me touche. Ni qu'une fois de plus, on me compare à mon père ni qu'il vient de mettre à nue mon intimité la plus secrète, et ce, devant Arès.

En baissant les yeux vers le sol, je me mords la joue à sang. Mais je n'ai pas le temps de les relever qu'Arès arrache sa main à la mienne et disparais de mon champ de vision pour atterrir sur le carrelage. Il déclenche son poing en direction de Sharrow qui finit avec la lèvre explosée.

Les coups s'échangent avec rapidité et dextérité à tel point que je ne vois même pas arriver celui qui vient directement heurter l'arcade d'Arès.

Il y a tellement de sang que je pourrais tourner de l'œil. Mais étrangement, je me ressaisis et hurle à en perdre haleine pour que les gens qui se sont amassés autour de nous pour se nourrir du spectacle les séparent enfin.

Après ce qui me semble être une éternité, les deux fougueux se retrouvent chacun de leur côté et Sharrow repart avec sa bande en m'insultant et en jurant que je le payerais.

Je ne me rends compte que je tremble comme une feuille que lorsque Jessica beugle qu'il devrait avoir honte et qu'elle vient placer ses deux mains glaciales autour de mes joues.

Ça a au moins le don de me sortir de ma transe.

— Noa ? Tout va bien ?

Je n'arrive pas à prononcer un seul mot. Je suis là, mais ma gorge est si serrée que ça empêche quelconque son de s'en extraire. Mon regard roule de Jess, à Arès qui me dévisage en compressant sa blessure qui continue de saigner à flot. Il finit sur le tas de personnes qui, une nouvelle fois, me juge coupable de tout ce chahut.

Alors, les larmes menaçant de jaillir, pour leur éviter cette satisfaction, je cours.

Je cours, sans m'arrêter.

Je détourne les gens et laisse leurs regards maudits derrière moi. Je m'enfuis à toutes jambes, ignorant les cris dans mon dos, la rancœur que je ressens et mon prénom résonnant incessamment dans la bouche d'Arès.


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Présumée Coupable (terminé) [en réecriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant