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Novembre


Je rase les murs et me contente d'esquiver les autres le plus possible. Par les autres, je veux évidemment parler de ceux qui n'acceptent pas mon existence et s'entêtent à me la rendre impossible.

Ma mère ne vit que pour son boulot et ne rentre à la maison que très tard. Elle se noie dans son travail pour oublier la peine que mon père lui a infligée. Mais si je m'en rends bien compte, je dois avouer que je ne sais malheureusement pas quoi faire pour l'aider.

Alors je ne fais rien. En tout cas, rien d'autre que de lutter pour ma propre vie. Je ne veux pas lui ajouter de problèmes supplémentaires. Ainsi, jour après jour, je ferme les yeux sur les regards insistants et moqueurs. J'essaye de ne plus entendre ces phrases qui font mal et qui peuvent détruire une personne.

Parce que même si c'est dur, elles sont davantage plus réelles que désagréables.

Le professeur Salto nous a fait lire un ouvrage sur la philosophie de Rawelding. Nous devons rendre notre disserte dans trois jours et je n'ai même pas encore commencé. Pourtant, on ne peut pas dire que c'est le temps qui me manque.

Mon père est en prison, mais c'est moi qui semble captive, prise au piège entre les quatre murs de ma chambre.

J'avale rapidement mon déjeuner à la cafétéria. Maddy est malade aujourd'hui et je me retrouve donc complètement seule. Alors que j'engloutis mon dessert, je suis surprise de constater que quelqu'un tire la chaise devant moi.

Je me tends en ayant la vision de longs cheveux blonds et d'une peau blafarde s'afficher à moi. En fronçant les sourcils, j'anticipe la phrase qui va venir me provoquer à nouveau.

Mais à la place, c'est un sourire hypocrite qui s'invite entre nous.

– Je suis désolée.

Mes yeux se plissent tellement que je vois flou. Si je m'attendais à tout, je ne prévoyais quand même pas ça.

— Tu es désolée ? répété-je, abasourdie.

C'est vrai, depuis quand le diable a un cœur ?

Elle hoche la tête, visiblement sûre d'elle et de son annonce qui attire désormais tous les regards. Je les sens braqués partout sur moi, ce qui fait naître au fond de ma gorge cette sensation désagréable d'étouffer.

— Oui, déclare-t-elle en levant les yeux au ciel comme si je n'y comprenais rien.

Ce qui n'est pas vraiment faux, je dois bien l'avouer.

— Je n'ai pas été tolérante avec toi, reprend-elle en haussant les épaules. Je suppose que les erreurs de ton père ne devraient pas te porter préjudice. C'est pourquoi...

Un sourire blancheur suprême s'installe sur son visage et je m'attends au pire.

— Je suis venue te présenter mes excuses. Les miennes, mais aussi les leurs.

Elle lance un regard vers la table à l'opposé de moi qui ne contient que ses amis à elle. Ils m'examinent tous avec un immense sourire aux lèvres. Un mec me fait même un clin d'œil encourageant avant de croquer dans son fruit.

Je me racle la gorge, sceptique, mais attendant tout de même la suite.

— Il y a cette soirée samedi, annonce-t-elle finalement. C'est Alan qui organise.

Elle montre l'heureux élu du doigt et celui-ci hoche la tête vers moi, comme pour confirmer les dires qu'il est pourtant incapable d'entendre.

— Tu pourrais te joindre à nous. Enfin, si tu veux bien sûr...

Ses yeux bleus soutiennent mon regard en attendant une réponse de ma part. Je ne sais pas si sa démarche est sincère, mais je ne ressens vraiment aucune hostilité ni mesquinerie dans sa voix.

J'aimerais que ce soit réel, mais je pense qu'il est encore trop tôt pour y croire et s'en convaincre.

— Merci, soufflé-je, toujours méfiante. Je... je verrais.

Un petit sourire suffit à la satisfaire. Elle hoche la tête avant de se relever agilement de ma table que le vide regagne comme une habitude morose et douloureuse. Une fois assez loin, les regards retombés, je laisse échapper un modeste rictus victorieux.

Je ne devrais sans doute pas, mais j'ai pourtant envie de profiter de cette pause que le lycée et que ses élèves semblent désirer m'octroyer.

J'aurais aimé que Maddy soit là pour entendre ça. Mais il fallut que la grippe achève ma meilleure amie et la cloue au lit, pile au moment où j'aurais eu besoin de son avis encore plus que jamais.


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