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Mai

Je suis de ceux, qui, comme le proverbe le dit si bien, pensent qu'il faut vivre cachés afin de vivre heureux.

Le lycée ignore nos retrouvailles qui durent depuis plusieurs semaines, déjà. Ils ne savent qu'Arès et moi, on empêche à notre façon les ténèbres de nous engloutir.

Ils ignorent nos secrets, nos mots doux, nos étreintes, qui peuvent durer l'éternité. Ils négligent nos ébats, passionnés et qui foulent la nécessité, pour se concentrer sur le prochain plan qui suffira à me pourrir la vie.

J'ai pourtant mis en suspend le mien, de plan. Celui de quitter le pays et de me teindre en blonde pour passer inaperçue. Celui de recommencer à zéro, dans un autre monde, dans un autre univers.

Parce que, soyons honnête, aussi effrayant et éreintant que soit celui dans lequel je me réveille chaque matin, Arès en fait partie. Et c'est clairement ce qui m'importe le plus en ce moment.

Je ne peux pas le perdre encore. Et si ça doit m'être fatal, alors soit. Je suis prête à prendre ce risque.

La première semaine de mai s'écoule lentement et le vendredi arrive tel une réjouissance. À la lisière de la forêt, à dix-huit heures pile, je m'apprête à le retrouver.

J'ai passé l'heure d'avant à imaginer son visage aux traits si délicats et pourtant si durs, parfois. Le bibliothécaire m'a surpris à plusieurs reprises en train de rêvasser brillamment. Je n'y peux foutrement rien. Je suis vide et je n'en peux plus, il faut que je lui parle. Que je le touche. Que je me nourrisse de son amour et de tout ce qu'il a à m'offrir.

Je presse le pas pour retrouver l'endroit exact de notre rendez-vous, le cœur battant et la bouche déjà avide de son prochain baiser.

Dans son tee-shirt blanc et son short beige, près d'une cabine téléphonique abandonnée depuis presque toujours, il me fait enfin face. Son sac à dos accroché sur une seule épaule, son sourire étincelant, il approche pour me retrouver et enlace ses mains autour de ma taille alors que je m'agrippe tout entière à son cou.

Ses lèvres pressées rejoignent les miennes avec un désir bien présent et enflammé, ses mains caressent mon dos, ma nuque, mes fesses. Sa langue trouve la chaleur de la mienne et entame un ballet sensuel qui fait directement grimper l'envie en moi.

Cinq jours, c'est beaucoup trop long.

Je dois rattraper et guérir ce manque qui s'est bétonné dans ma poitrine. Alors, je saisis son visage pour l'approcher davantage de moi, haletante. Et il recule doucement pour plonger ses yeux dans les miens.

— On rentre ? questionne-t-il en se mordant déjà la lèvre.

Je hoche la tête rapidement, ce qui le fait sourire.

— Oui ?

— Oui, affirmé-je avec empressement.

Il attrape ma main et m'entraîne alors vers sa voiture, afin de rejoindre le seul endroit qui nous appartient vraiment.

Ce lieu qui était le mien et qui est devenu le nôtre. Celui, où, enfermés avec un million d'étoiles et deux tonnes d'amour, le futur n'appartient qu'à nous.

— WHU n'est pas loin. On pourrait se voir souvent et je pourrais te rappeler de la meilleure des façons à quel point je t'aime.

— Pourquoi pas Westside ? tenté-je.

— Parce que Westside ne fait pas médecine.

Entourés de ses bras, je hausse les épaules.

— Peu importe, je te suivrais où tu iras.

Présumée Coupable (terminé) [en réecriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant